jeudi 8 octobre 2015

Un american staff abattu par la police : crime, bavure, justice ?


 Bonjo, un jeune american staff a été abattu par la police. L’animal avait attaqué des moutons et se montrait menaçant pour des policiers. Ces derniers ont préféré le tuer. Un mouton a été euthanasié. Rapidement une pétition a circulé sur le net pour demander une enquête approfondie auprès du Comité P. Plusieurs milliers de personnes estiment ainsi que le comportement des policiers mérite une sanction.

Ce fait divers nous semble soulever une question philosophique indirecte : pourquoi considérons-nous spontanément que les signataires de cette pétition n’ont rien compris à notre vie en société ? Nous pouvons trouver deux fondements de la vie en commun malmenés par ces signataires : le contrat social et la spécificité humaine. Mais, justement, à cause de ces arguments et de ce qu’ils sont devenus en ce début de 21ème siècle, ne devrait-on pas analyser la pétition sous un autre angle ?

contral social

 Le contrat social tout d’abord. L’un des fondements, ou des mythes fondateurs, de la Modernité est le concept selon lequel les individus ont renoncé à exercer eux-mêmes la violence pour la confier à l’Etat. En contrepartie, l’Etat protège les individus et est le seul à pouvoir recourir légitimement à la violence, à quelques rares exceptions, comme la légitime défense. La vie en commun exige donc que l’Etat, via par exemple l’armée et la police, soit dépositaire de la violence.  Les chiens réputés dangereux qui se montrent agressifs peuvent être considérés comme un usage de la violence. Il s’agit de la même problématique que celle de la possession d’armes. Une Kalashnikov est aussi inoffensive dans une armoire qu’un chien qui dort devant le radiateur de son maître. Et la grande majorité des armes en circulation n’a jamais mordu personne. Toutefois leur usage est une remise en cause profonde du contrat social. Le policier qui se retrouve, dans un village, face à un animal qui vient de faire preuve de violence, est donc, dans le cadre de la philosophie moderne, autorisé à éliminer ce danger. Parce que nous avons tous abandonné l’usage de la violence, la police est même, dans une large mesure, invitée à faire respecter, par la force si nécessaire, ce contrat. 

spécificité humaine

 La spécificité humaine ensuite.  Comment l’homme peut-il être distingué des animaux ? Certains courants  offrent à l’homme un statut  privilégié (fils de dieu…) ou une compétence réservée (langue, travail,…). D’autres courants estiment que l’homme est un animal parmi d’autres et vont jusqu’à parler de spécisme (Peter Singer, Deep Ecology)  pour désigner la volonté d’accorder des droits (et donc des avantages) spécialement aux hommes. Pour les premiers, la mort d’un animal peut être un événement triste mais elle est sans commune mesure avec celle d’un homme. Les animaux peuvent être aimés mais ils n’ont pas plus d’importance qu’un autre bien.  La position des anti-spécistes est évidemment opposée. La mort volontaire d’un chien est  moralement inacceptable. Ceci explique d’ailleurs en partie les motivations de certains végétariens. Les animaux ne peuvent pas être exploités, torturés et, a fortiori, tués. Dans le cas présent, la Justice devrait être requise pour enquêter sur un meurtre. Toutefois si l’on admet cette approche, il faudrait aussi attaquer, sur base des mêmes dispositions légales, le propriétaire de l’American Staff, pour agression  mortelle sur le mouton. Comment se positionnerait GAIA sur cette question ? Notons au passage  que l’on perçoit ici assez bien l’intérêt de fonder la Justice sur la déclaration universelle des droits de l’Homme.

Parce que nous vivons dans une société qui est à la fois fille du contrat social et de la spéciste pensée judéo-chrétienne, la mort de ce chien nous semble une décision juste.
Mais, parce que des milliers de personnes sont prêtes à poursuivre en justice les policiers, il nous semble pertinent d’interroger notre double motivation.  Qui sont les signataires de cette pétition ? N’ont-ils rien compris à la Modernité ? Sont-ils rebelles au contrat social ? Sont-ils anti-spécistes ? Ou veulent-ils dire autre chose encore ?

Comment réguler la violence?

 Sans doute certains d’entre eux sont-ils émus par la mort d’un chien qu’ils peuvent identifier au leur. Sans doute aussi d’autres voient-ils là l’occasion de discréditer l’autorité, la police en particulier. Peut-être y a-t-il des sympathisants de GAIA ? Toutes ces attitudes et/ou positions idéologiques demeurent minoritaires. Pour bâtir notre société, nous avons privilégié la raison par rapport au sentiment, le respect de l’autorité par rapport à l’anarchie et le spécisme par rapport au respect des animaux. 
Or cette société est en pleine mutation, la Modernité n’est peut-être plus l’horizon indépassable. Et peut-être les signataires de cette pétition voient-ils un autre monde possible ou ressentent-ils plus profondément les limites du nôtre. Posséder un chien dangereux, serait une sorte de rébellion, l’une des dernières possibles, contre le système.  Même si ces arguments ne sont pas ceux des signataires, il est possible de voir dans cette pétition un positionnement philosophique de type post-moderne ou anti-sociétal. Et nous devons peut-être écouter les plaintes des signataires de la pétition sans les nier ou les moquer.  Reconnaître avec bienveillance un interlocuteur sérieux, dans ces gens capables de s’entourer de chiens dangereux ou de réguler la violence dans la vie quotidienne ?  Et quelle place laissent-ils à l’homme?

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