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Université catholique de Louvain
Faculté
des Sciences économiques, sociales, politiques et de communication
ECOLE DE COMMUNICATION
La vie privée est-elle menacée
par la relation des faits divers
en presse régionale ?
Approche théorique et rencontre
avec les faitdiversiers de
l’Entre-Sambre-et-Meuse
par
François-Xavier HEYNEN
Mémoire
15 crédits présenté dans le cadre du Master 60 en Information et communication
Option
: Relations Publiques
Promoteur
: Prof. ANTOINE Frédéric
Session
de juin 2012
Le
présent travail entend aborder doublement la question de la publication des
identités dans la relation de faits divers en presse quotidienne régionale.
D’une part, une approche théorique, à la fois juridique et professionnelle,
présentera la question en relevant la contradiction fondamentale : le
droit à l’information contre le droit au respect de la vie privée. D’autre
part, une seconde partie expliquera les réalités de terrain et les pratiques
professionnelles réelles en basant sur les témoignage de faitdiversiers de la
presse écrite régionale (Entre-Sambre-et-Meuse namuroise). Nous nous
intéressons plus spécialement à la presse régionale car c’est dans ses colonnes
que l’on découvrira le plus facilement des identités.
Notre
texte peut à la fois être lu comme un « guide du faitdiversier » et
comme un outil de réflexion sur les enjeux que véhiculent les faits divers. En
effet, pris entre deux notions fondamentales de la pensée moderne, l’individu
maître de lui-même et la liberté de l’information, la relation des faits divers
ouvre des débats cruciaux.
Nous
allons tenter de définir correctement les termes, et nous allons voir comment
les notions de « vie privée », de « faits divers » et même
de « victimes » résistent à toute catégorisation claire. Mais comment
alors la rubrique des « chiens écrasés » est-elle alimentée ?
Qui attribue le titre de « fait divers » à un événement ? Le
journaliste ? La rédaction ? Les services de secours ?
Une
question annexe sera également abordée : celle de l’appel spontané au
faitdiversier. Qui peut prévenir la presse ? Les services de secours
sont-ils tenus par le droit de réserve des fonctionnaires ou bien par
l’obligation d’information des pouvoirs publics ?
La
question cruciale apparaîtra alors dans toutes ses ramifications : y
a-t-il atteinte à la vie privée lorsqu’un journal publie l’identité d’une
victime dans sa relation d’un fait divers ?
Cette
première partie se propose de déterminer le cadre théorique qui entoure la
relation des faits divers, et en particulier de la révélation des identités de
victimes dans la presse. Pour délimiter ce cadre théorique, nous devrons
commencer par définir « fait divers » et « vie privée ».
Nous déclinerons ce duo en en trois variations : des définitions générales
tout d’abord, ensuite une essentielle approche juridique, puis des visions
opérationnelles : celles de chefs d’édition et celle d’un commandant de
services de secours.
Il
nous a semblé utile également de dresser la typologie des sources
d’informations disponibles sur les lieux d’un fait divers, c’est le quatrième
point de cette partie.
Mais
est-il possible de tracer des limites précises et d’offrir des définitions
rigoureuses ?
1. Définitions et délimitations du propos
Le fait divers
Comme
le mentionne Christine Leteinturier dans son article[1], le fait
divers n’appartient à aucune actualité et, cependant, il est très présent dans
les journaux. Le fait divers serait également un récit auto-suffisant, que
Barthès nommait « information totale » dans ses Essais critiques. Toujours pour M. Leteinturier, il existe deux
catégories de faits divers : d’une part la célébration des héros positifs
et d’autre part la célébration des transgressions. Toutes les transgressions
possibles figurent dans cette rubrique. Au point que : « Cette universalité du fait divers
explique qu’il soit tout à la fois transhistorique et transculturel ». Dans le même article, M. Leteinturier
évoque des problèmes suscités par les faits divers : la question de la vie
privée que nous dévelepperons dans les pages qui suivent mais également
l’influence des relations de faits divers sur la délinquance et sur le développement
de certaines idéologies ; ces
sujets dépassent malheureusement le cadre de ce travail. Tout comme nous ne pouvons que mentionner
l’intéressante analyse de M. Yves de la Haye[2] qui reproche
aux faits divers de mettre l’actualité en scène et non en question. Autre critique pertinente, « Le
faits divers impose en douce... une problématique de travail : le
découpage qu’il opère n’est pas d’ordre technique... il est de part en part
idéologique, c’est-à-dire qu’il impose un cadre de compréhension
clandestin. [3]».
De
son côté, dans son ouvrage, M. Christian Sauvage, après un historique du fait divers, note une autre forme de cette même
déviation : « Avec le fait
divers, le risque est grand de confondre information et littérature ou plus
simplement réalité et fiction[4]. »
L’historien
Louis Chevalier[5] révèle que le
véritable essor du faits divers surgit avec la grande loi française sur la
presse du 29 juillet 1881. Il cite également la première apparition du
terme faits divers dans un
dictionnaire, celui de Pierre Larousse en 1871. Nous ne pouvons résister au
plaisir de le citer nous aussi : « Sous
cette rubrique, les journaux groupent avec art et publient régulièrement les
nouvelles de toutes sortes qui courent le monde : petits scandates,
accidents de voiture, crimes épouvantables, suicides d’amour, couvreur tombant
d’un cinquième étage, vols à main armée, pluies de sauterelles ou de crapauds,
naufrages, incendies, inondations, aventures cocasses, enlèvements mystérieux,
exécutions à mort, cas d’hydrophobie, d’anthropophagie, de sommanbulisme et de
léthargie. Les sauvetages y entrent pour une large part et les phénomènes de la
nature y font merveille, tels que veaux à deux têtes, crapauds âgés de quatre
mille ans, jumeaux soudés par la peau du ventre, enfants à trois yeux, nains
extraordinaires... ».
En
un siècle et demi, cette définition s’est modifiée puisque le Larousse de 2008
retient dorénavant deux acceptions : « Fait
divers ou fait-divers : Evénement sans portée générale qui appartient à la
vie quotidienne. * pl. Rubrique de presse comportant des informations sans
portée générale relatives à des faits quotidiens (accidents, crimes,
etc.) ».
Cette
définition ne convient pas à l’objectif de ce travail. En effet, il nous semble
qu’une « kermesse au boudin » ou « Un jeu de cartes de l’amicale
des pensionnés » relèvent du fait divers, tout comme d’ailleurs le fait de
tondre son jardin. Pourtant il est évident que ces trois événéments ne
figureront dans les faits divers que, respectivement, si tous les convives
sortent intoxiqués du repas, si l’un des joueurs tire tous les trèfles, ou si
le jardinier passe sous sa tondeuse. Pour les besoins du présent travail, nous
devons restreindre la définition. Nous entendrons par fait divers un événement
se produisant sur la voie publique, ou éventuellement dans un lieu privé, et
qui nécessite l’intervention des services de secours. Nous retiendrons donc les
accidents de voitures (qui représentent la plus grande partie des interventions[6]), les
incendies, les noyades, …
Le
fait divers peut éventuellement, par la suite, être requalifié et devenir un
sujet pour la rubrique judiciaire mais, a priori, il s’agit d’un événement
fortuit par lequel les protagonistes sont liés involontairement. Par ailleurs, l’ensemble de ce mémoire
considère le fait divers entre le moment où il débute et le retour à une
situation normale sur le terrain où il s’est déroulé. Nous reconnaissons
immédiatement l’imprécision de notre propos. En effet le début réel n’est pas
toujours connu avec précision[7] et la
retour à une situation normale peut être très long, voire impossible[8]. Notre
objectif est de saisir le fait divers dans son urgence ; en presse écrite,
le fait divers survenu avant 21 heures devra la plupart du temps être
publié dès le lendemain. Les informations devront donc être collectées
rapidement et, dans la grande majorité des cas, sans l’intervention des
autorités judiciaires.
La vie privée
Une
définition rigoureuse de cette expression est également problématique. Elle a
varié au cours des siècles. Hannah Arendt dans « Condition de l’homme moderne »[9] parle
du domaine privé dans un sens aujourd’hui oublié : le domaine privé est...
privé de la vie publique, c’est-à-dire qu’il lui est inférieur[10]. Il faut
attendre la Modernité pour que l’individu soit considéré comme une valeur en
soi et que la vie privée commence alors à acquérir une importance primordiale.
Les penseurs libéraux, à l’instar de J.S Mill, vont opposer la vie dans la
sphère privée à celle dans la sphère publique, c’est l’opposition classique
entre l’individu et l’Etat. Pourtant, comme le souligne Fabrice Rochelandet[11], il faut
attendre 1890 pour assister à la naissance de la vie privée. « Depuis lors, la littérature a fait
émerger trois dimensions qui apparaissent transversales et utiles à la
compréhension de l’analyse écononomique de la vie privée : le secret, la
quiétude et l’autonomie. La vie privée, conçue tant comme une capacité
individuelle que comme la situation qui en résulte, ou encore comme une
protection légale, recoupe ces dimensions[12] ».
Si
les notions de secret et de quiétude peuvent être rapidement perçues, par contre
celle d’autonomie demande une explication. Il s’agit de concevoir que la vie
privée peut aussi se décliner en « ...l’affichage
public, voire l’imposition aux autres de son identité, de ses opinions et de sa
manière de vivre[13] ».
Cette
triple exigence nous semble particulièrement riche car elle montre que la vie
privée possède également une dimension publique.
Il
nous semble que cette dimension publique est tout spécialement pertinente pour
notre propos et mérite un développement. Rappelons d’abord qu’Aristote déjà
présente l’homme comme un animal politique. Ce dernier doit donc s’exposer aux
autres et se faire reconnaître. Tout un courant de pensée, de type
communautariste, se revendique de cette approche. Les blogs et autres réseaux
sociaux , ainsi que diverses attitudes médiatiques d’exhibition, peuvent en
être une illustration. Vu sous cet angle, les faits divers deviennent également
une voie d’accès à la sphère publique. D’ailleurs, des inconnus peuvent être
rendus célèbres et même accéder à la vie publique, voire même politique[14], à la
suite de faits divers[15]. La
qualité de la vie privée peut donc être amplifiée par son passage dans la
sphère publique.
La
notion de « vie privée » est ambivalente, elle peut désigner ce que
l’individu veut garder pour lui mais aussi ce qu’il veut (ou même doit) montrer[16].
Il
existe également divers degrés dans l’atteinte à la vie privée dont les
principaux sont la révélation de l’identité (nom, prénom, date de naissance),
de l’adresse, d’éléments personnels,
d’informations biographiques,...
Toutefois,
dans le cadre du présent travail, tout comme nous l’avons fait pour définir le
fait divers, nous limiterons également le concept de « vie privée »
pour le rendre opérationnel. Nous allons dorénavant désigner par « vie
privée » les deux données qui nous semblent être, dans les faits divers,
la paroi entre vie privée et vie publique : d’une part l’identité de la
victime et d’autre part la photo-portrait. En effet, certes les éléments
biographiques ou l’adresse participent à la vie privée mais il ne s’éclairent
qu’à la lumière de l’identité.
Le faitdiversier
C’est
le terme que nous utiliserons dans ce mémoire pour désigner la personne qui
assure la couverture d’un fait divers. Cette personne peut être un journaliste
professionnel, un faux indépendant ou un reporter. Nous la définissons comme
l’acteur qui recueille concrètement les informations sur les lieux du faits
divers (ou éventuellement par téléphone) et qui sera confronté à la collecte
des données personnelles.
La Rédaction
Nous
utiliserons ce terme pour désigner l’instance (journaliste, chef d’édition,
autre faitdiversier) qui va approuver la publication du fait divers. C’est
également la Rédaction qui aura donné, préalablement, les consignes au
faitdiversier, lui indiquant ainsi s’il doit, ou non, se rendre sur les lieux
de l’événement.
2. La législation
Au
niveau de la loi, le faits divers est l’un des points de jonction, et de
friction, entre les lois qui sacrent la liberté de la presse et le droit à
l’information et celles qui protègent le droit à la vie privée.
2.1 Liberté de la presse et droit à l’information
La
liberté d’expression est exprimée dans les textes juridiques les plus généraux.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme l’évoque : « Tout individu a droit à la liberté
d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété
pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans
considération de frontière, les informations et idées par quelque moyen
d’expression que ce soit[17] ». Cette
déclaration n’ayant pas d’effets juridiques directs dans le droit belge, il
convient de se référer à la Convention Européenne des Droits de l’Homme : « Article 10.1. Toute personne a
droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la
liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il
puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de
frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les
entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime
d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés
comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines
formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent
des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité
nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de
l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la
morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher
la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et
l’impartialité du pouvoir judiciaire[18] ».
Dans
le syllabus de son cours de « droit des médias et de la
communication », le professeur François Jongen précise : « Existe-t-il une hiérarchie entre les
différents droits et libertés fondamentaux ? Il a été entendu de longue
date que la liberté d’expression revêt une importance toute particulière,
d’aucuns n’hésitant pas à la considérer comme la liberté permettant l’exercice
de toutes les autres libertés. Sans aller aussi loin, la Cour européenne des
droits de l’homme a jugé que ‘la Liberté d’expression constitue l’un des
fondements essentiels de la pareille société (démocratique), l’une des
conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun[19]’ ».
2.2 Droit à la vie privée et droit à l’image
La
loi protège également la vie privée. La Déclaration universelle des droits de
l’Homme la consacre en son article 12 : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée,
sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteinte à son honneur et à
sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de
telles immixtions ou de telles atteintes[20] ». La
Convention européenne des droits de l’Homme le précise également : « Toute personne a droit au respect de sa
vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance[21] ».
Il
convient d’ajouter que la Constitution belge aussi incline dans ce sens : « Chacun a droit au respect de sa vie
privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi[22] ».
A
une échelle moins contraignante, on trouve également des codes professionnels.
Dans le texte international qui leur sert de référence déontologique, les
journalistes ont inscrit un article au sujet du « respect de la dignité
humaine » : « Les
éditeurs, les rédacteurs en chef et les journalistes doivent respecter la
dignité et le droit à la vie privée de la personne et doivent éviter toute
intrusion dans les souffrances physiques et morales à moins que des
considérations touchant à la liberté de la presse, telle que définie à
l’article 1 ne le rendent nécessaire[23] ».
En
ce qui concerne le droit à l’image, il est consacré par l’article 22 que
nous venons de citer mais également par deux lois : celle relative à la
vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel (M.B.
18 mars 1993) et celle relative au droit d’auteur et aux droits voisins
(M.B 30 juin 1994). Cette dernière est très claire dans son
article 10 : « Ni
l’auteur, ni le propriétaire d’un portrait, ni tout autre possesseur ou
détenteur d’un portrait n’a le droit de le reproduire ou de le communiquer au
public sans l’assentiment de la personne représentée ou de celui de ses ayants
droits pendant 20 ans à partir de son décès».
Nous
allons voir tout de suite comment, grâce à internet, cette disposition est
utilisée pour justifier la publication des portraits.
2.3 Lois annexes
La
loi sur la Protection des mineurs trouve également à s’appliquer dans certains
cas. En effet, cette loi impose de taire les identités des personnes de moins
de 18 ans impliquées dans des faits criminels. Ceci peut générer des
problèmes que la loi ne règle pas. Par exemple, le journaliste ne pourra pas
citer le nom d’un conducteur mineur impliqué dans un accident mais il pourra le
citer s’il est victime. Dans le cas où une famille se trouve dans une voiture
avec un enfant au volant, on comprend rapidement que la loi pourra rapidement
être bafouée : il suffira que l’article dans un journal cite le nom de la
famille et qu’une autre évoque les liens filiaux.
2.4 Jurisprudence française : notion de faits divers d’actualité.
En
France, la notion de “faits divers d’actualité”
permet à la jurisprudence de réduire fortement le conflit vie privée /
droit à l’information. Comme le souligne Mme Nathalie Mallet-Poujol, chercheuse
au CNRS dans un article consacré à la protection de la vie privée : “La jurisprudence évoque fréquemment les
“faits divers d’actualité”, constituant un “sujet légitime d’information du
public”. La relation du fait d’actualité “transcende” la vie privée, sous
réservce de ne pas excéder les limites de la liberté d’informer[24].”.
Les faits divers que nous évoquons dans le
présent travail relèvent, pour la plupart, de l’actualité.
3. Le cadre professionnel
Pour cette section, nous allons nous focaliser
sur les pratiques dans la Province de Namur, et plus spécialement les
arrondissements de Namur et de Philippeville. Le quotidien le mieux implanté
sur Namur étant « L’Avenir », nous avons opté pour une rencontre avec
son chef d’éditition. Par ailleurs, du côté des services de secours, en
l’absence de porte-parole spécifique des pompiers professionnels dans la
Province de Namur, nous avons choisi de rencontrer le commandant des pompiers
de Namur qui, comme nous le verrons, est tout particulièrement sensibilisé aux
contacts avec la presse.
3.1 La position de la Rédaction
Voyons
à présent comment les différents intervenants se situent par rapport à ces lois.
Commençons par ceux qui se situent du côté du droit à l’information[25].
Nous
avons rencontré le chef d’édition namurois du quotidien « L’Avenir[26] ».
Pour lui, la relation des faits divers est essentielle : « Dans
l’ordre de lecture du journal, le fait divers vient en seconde position, après
la nécrologie. Je pense que cet intérêt provient du fait que ces articles
touchent à la vie et à la mort. Même si les protagonistes s’en tirent, le
lecteur se dira ‘Il l’a échappé belle’, la référence est donc toujours la mort.
Les acteurs peuvent être tout le monde, donc les gens peuvent facilement
s’identifier ».
Cette
dernière remarque pourrait laisser entendre que l’identité des personnes
impliquées compte peu. Pourtant la politique de Jean-François Pacco est claire
sur la question des identités : le faitdiversier sera d’ailleurs mieux
rémunéré s’il les obtient.
Les
exigences de Jean-François Pacco par rapport au faitdiversier sont assez
classiques : « Puisque le fait
divers est un événement public, je souhaite obtenir les réponses aux
questions : Où ? Quand ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Quelles conséquences ? Quelles circonstances ? Et qui sont les
protagonistes ? ».
Le
chef d’édition précise aussitôt que les circonstances désignent l’environnement
immédiat (brouillard, chaussée glissante…) et pas du tout les responsabilités
sauf si ces dernières sont flagrantes. Il invoque deux raisons :
pragmatique tout d’abord ; les éventuelles plaintes dont le journal
pourrait souffrir suite à des mises en cause, légale ensuite ; la
détermination des responsabilité appartient aux tribunaux.
Quels faits divers ?
Jean-François
Pacco note une certaine évolution dans le traitement des faits divers ces
dernières années. Ainsi, les « petits » accidents ne sont plus
couverts. D’une part par manque de moyens mais également, d’autre part, pour
une raison qui nous concerne plus directement : « L’intérêt du public
pour les accidents de roulage décroit. On assiste à sa banalisation. Je peux
comprendre qu’un accrochage reste dans le domaine de la vie privée ».
Il
faut noter une troisième raison dans l’abandon des « petits » faits
divers : l’information est plus compliquée à obtenir. Et Jean-François
Pacco de pointer les nouvelles directives des services de secours.
Aujourd’hui,
les faits divers intéressants seront donc ceux qui présentent : « ...
un lourd bilan humain, un caractère spectaculaire, exemplaire, exemplatif ou
original, des répercussions en chaîne... ».
La question du respect de la
vie privée
D’un
point de vue juridique, Jean-François Pacco insiste sur la liberté de la
presse. En ce qui concerne le respect de la vie privée, le chef d’édition
insiste : « Il faut écrire de façon responsable. D’un journal à
l’autre, cette déontologie ne sera pas la même. En gros, on peut publier tout ce
que tout témoin voit mais on évitera de publier une photo de cadavre, parce que
bon nombre de lecteurs trouvent cela choquant, et il faut respecter cela. Pour
ce qui se déroule avec des voitures, il n’y a aucune raison de ne pas publier.
Pour moi, une voiture, ce n’est pas un domicile, ce n’est pas une bulle à
roulettes. Mais on peut tempérer ».
En
ce qui concerne les domiciles privés, la réponse est plus nuancée :
« Si j’obtiens une photo prise dans un domicile, lors d’un incendie par
exemple, parfois je pose la question au faitdiversier pour savoir comme il l’a
obtenue, mais la plupart du temps, je la publie ».
La question du droit à
l’image
La
question du droit à l’image le gêne : « Les personnes présentes sur
les photos peuvent refuser d’apparaître dans le journal. Et cela s’applique aux
victimes, aux témoins et même aux policiers. On assiste à une escalade
insupportable ! Par exemple, le Parquet nous a invités à relater un
contrôle routier, en nous précisant que les policiers ne pourraient pas figurer
sur nos photos ! On constate également une augmentation de l’opposition
des familles ».
A
contrario, le développement d’internet, et de Facebook en particulier, offre de
nouvelles opportunités pour les images. Non seulement, c’est une source de
portraits facilement et rapidement accessibles mais, pour Jean-François Pacco,
c’est une façon de publier des photos tout en respectant la loi :
« On peut reprendre les clichés publiés sur les ‘murs de Facebook’ car ils
sont considérés comme étant dans le domaine public. La personne qui a publié sa
photo sur son mur a reconnu, par ce geste, qu’elle était disposée à la
communiquer à tous ».
Cette
interprétation de la loi nous semble peu compatible avec son esprit. D’autre
part, elle méconnait le respect des droits d’auteur. En effet, dans le cas d’un
passage d’un ‘mur facebook’ à une page de journal, l’auteur de la photo doit
marquer son accord. Ce qui sera concrètement rarement le cas. M. Pacco nuance
notre réserve : « Sur la question des droits d’auteur pour les photos
Facebook, c’est un autre débat que celle du droit à l’image. Le droit d’auteur
nécessite une certaine création artistique : une photo prise dans un
Photomaton d’un hall de gare n’est pas protégée par le droit
d’auteur ! ».
3.2 La position du commandant des pompiers
Premier appel
Du
côté des services de secours, la question de la vie privée est également
cruciale. Pour être pertinent dans notre propos, nous avons besoin ici de
quitter le lieu du fait divers. En effet, pour les services de secours, le fait
divers débute à la centrale 100. L’information qui survient à l’opérateur est
aussitôt considérée comme relevant de la vie privée. Le commandant des pompiers
de Namur[27] explique
pourquoi : « Cette information
relève du secret. Le but du 100 est de sauver des vies donc l’identité de
l’appelant n’a aucune importance. L’appelant a droit à l’anonymat ».
Pour le commandant Charlier, l’enjeu est clair : ne pas garantir
l’anonymat, c’est prendre le risque que certains appels n’arrivent plus à la
centrale de secours : « Ainsi,
au service 100, l’identité de l’appelant est toujours protégée par la loi sur
le respect de la vie privée et l’opérateur est tenu par un devoir de
réserve[28]. Par
contre, il est tenu de dénoncer le délit à l’autorité judiciaire ».
Une
circulaire ministérielle récente[29] dont
nous avons pu prendre connaissance précise le propos : « … en vertu de l’article 458[30] du Code
pénal, les pompiers sont soumis au
secret professionnel. … Lors de
leurs interventions, et notamment lorsqu’ils sont appelés à entrer dans les
habitations, les pompiers sont amenés à acquérir des informations relatives à
la vie privée des citoyens ou à voir ces citoyens dans des situations qu’ils ne
désirent pas rendre publiques. Par ailleurs, au regard de la situation dans
laquelle ces personnes se trouvent lors des accidents, elles n’ont pas les
moyens de se prémunir afin d’assurer le respect de leur vie privée.
Par « secret
professionnel », on entend d’une part les confidences, qui sont les
secrets confiés comme tels, c’est-à-dire les faits dont la non-révélation a été
demandée (expressément ou tacitement) et d’autre part les faits secrets par
nature qui sont des faits concernant la personne et dont le confident a pris
connaissance en raison de sa profession. Tout ce qui est appris, surpris,
constaté, déduit, interprété dans l’exercice de la profession est en effet
couvert par le secret professionnel. Le non
respect du secret professionnel est pénalement sanctionné ».
A
ce secret professionnel s’ajoute un devoir de discrétion mais celui-ci relève
d’un règlement communal.
Sur place
Une
intervention classique du service 100 se déroule généralement par l’arrivée
d’une ambulance, d’un véhicule médicalisé (si l’appel mentionne la présence
d’une personne inconsciente) et des véhicules pompiers : désincarcération,
balisage, … Les pompiers sont placés sous les ordres d’un sous-officier ou
d’un officier.
Si
la personne blessée est consciente, les ambulanciers pourront obtenir son
identité mais ils ne transmettent pas l’information aux policiers sur place.
Ces derniers pourront toutefois interroger la personne. Notons que les
éventuels documents d’identité trouvés par les pompiers/ambulanciers seront,
eux, remis aux policiers. Le commandant Charlier précise : « Les
policiers ne nous interrogent pas sur place, sauf s’il y a enquête judiciaire.
Certes, on doit transmettre les pièces d’identité ; au policier à faire le
lien ».
Si
la personne est inconsciente, elle n’est pas capable de donner son identité.
Elle sera prise en charge par un médecin. On tombe alors dans le domaine du
secret médical.
La
communication des informations personnelles à la presse par les pompiers et/ou
ambulanciers est interdite par la loi.
On
comprend que, dans ces conditions, la transmission de données personnelles à la
presse semble exclue. Le commandant Charlier donne d’ailleurs à ses hommes la
consigne générale de transférer toutes les questions embarrassantes vers
l’officier présent sur place.
Des faiblesses
Ce
modus operandi peut paraître efficace mais il comprend des faiblesses. La
première, très pragmatique, est que le faitdiversier aura tendance à obtenir
l’information directement auprès d’un intervenant avec les risques d’erreurs
inhérents à cet exercice.
D’autre
part, les services de secours ont également un devoir d’information. La loi
prévoit d’ailleurs, en cas de plan catastrophe, l’organisation d’une
information tant interne qu’externe, c’est la « discipline 5 »[31]. A
Namur, cette disposition n’est pas pleinement opérationnelle : « Par
manque de moyens, nous ne disposons pas d’un attaché de presse. Nous avons déjà
eu des couacs car les personnes qui ont été désignées responsables lors de
catastrophes n’y connaissaient rien ou exagéraient. Ce serait plus cohérent de
compter sur une personne spécialisé dans le 112, en rapport journalier avec la
presse et les services de secours ».
Les
différentes centrales 100 maintiennent toutefois des rapports avec la presse,
en publiant par exemple une liste des interventions de la journée. A Namur,
cette liste des appels 100 est confectionnée par les opérateurs eux-mêmes. Y
figurent incendies, accidents et malades sur la voie publique mais jamais
aucune identité ni l’adresse précise d’un incendie. Le commandant Charlier a
déjà subi quelques critiques sur la transmission spontanée de cette liste par
son service. En effet, il est possible d’y voir une entorse au devoir de
réserve. Le commandant s’en explique : « Ce n’est pas
déontologiquement incorrect. D’autre part, il faut qu’on contrôle l’info sinon
elle deviendra incontrôlable ». Ainsi, il évoque une forme de
« contrat de confiance » avec la presse et insiste sur l’importance
du dialogue. Mais il reste très attentif à la question des identités :
« Depuis 1987, ça n’a pas posé de problèmes à Namur parce que nous sommes
très prudents. J’ai le droit de cacher
les choses. La presse a le droit à l’info, mais j’ai le devoir de cacher des
choses. Je ne peux pas refuser de parler avec la justice, mais bien à la
presse ».
Le
commandant Charlier, dont le GSM est accessible aux journalistes, se déclare
prêt à aller plus loin et à avertir la presse lors de l’envoi des secours mais
à condition qu’il puisse joindre toutes les rédactions simultanément, ce qui ne
s’est pas avéré réalisable techniquement jusqu’à présent. Ici aussi la présence
d’un attaché de presse (préposé D5) devrait s’avérer déterminante.
Droit à l’image
En
ce qui concerne le droit à l’image et plus particulièrement les photos qui sont
prises par des pompiers/ambulanciers et ensuite fournies à la presse, le
commandant Charlier est partagé : « La délicatesse et la réserve sont
mises en balance avec le droit à l’information de la presse. Si tout le monde a
pu prendre la photo, je ne vois aucun inconvénient. Par contre, un cliché pris
à l’intérieur d’une maison est une violation de la vie privée ».
Il
arrive également que le faitdiversier soit invité à prendre des photos en
utilisant du matériel de secours, une auto-nacelle par exemple pour obtenir des
vues plus intéressantes. Pour le commandant, les problèmes posés par de telles
photos sont ailleurs : « La photo peut être prise mais il y a un
risque objectif énorme de monter dans la nacelle. Ensuite, on pose un acte qui
est un détournement de bien public ».
4. Les sources potentielles d’informations sur les lieux du fait divers
Nous
allons à présent tenter d’indiquer toutes les sources d’informations
envisageables sur les lieux d’un fait divers. Cette liste a été établie sur
base de notre expérience personnelle[32]. Nous
les présentons par ordre d’entrée des intervenants sur les lieux du faits
divers. Cet ordre peut évidemment varier en fonction des circonstances mais
celui présenté ici donne une idée assez précise d’un fait divers classique.
Bien qu’empirique la liste nous semble relativement complète.
Les sources
Source d’infos :
|
Soumis au secret professionnel ?
|
Biais principaux
|
Avantages
|
Accidentés
(faux accidentés)
|
NON
|
Stress
(mensonge)
|
Peut donner
l’autorisation de publication.
|
Témoins (faux
témoins)
|
NON
|
Stress (mensonge)
|
|
Riverains
|
NON
|
Stress –
agacement/colère
|
|
Ambulanciers /
pompiers
|
OUI
|
Exagération ?
|
Informations
précises mais pas toujours contextualisées
|
Docteur
|
OUI
|
Secret médical
|
|
Policiers
|
OUI
|
Intérêts de
l’enquête
|
Contexte assez
large.
|
Services
publics (pour les poteaux, épandage, gaz, ...)
|
OUI
|
Vision
technique
|
Peu d’implication
|
Autre
journaliste
|
OUI et NON
|
Imprécisions
pour garder l’exclusivité
|
Source de
l’info ?
|
Expert du
Parquet
|
OUI
|
Vision très
technique et souvent réservée.
|
Rigueur de
l’analyse.
|
Dépanneur
|
OUI
|
Permet
d’envisager un contact indirect avec la famille.
|
Intérêt
commercial
|
Pompes funèbres
|
OUI
|
|
Intérêt
commercial
|
Internet
|
NON
|
Permet
d’établir des liens rapides
|
Validité de
l’info ?
|
1.
Les victimes
Tentative de définition
Les
victimes d’après la définition classique sont les personnes tuées ou blessées dans
les accidents, les guerres, les catastrophes. Mais cette approche est
insuffisante pour désigner la « victime » dans un fait divers. En effet, le faitdiversier devra également
intervenir sur des pollutions ou des incendies sans tués ni blessés et pour
lesquelles, pourtant, on lui demandera de trouver, pour publication, des
identités de « victimes ».
Si nous désignons par « victimes »
les personnes directement lésées par le fait divers, nous prêtons le flanc à
une autre attaque : les principales victimes d’un fait divers peuvent ne
pas être identifiables par le faitdiversier ni même par les secouristes
présents.
Faute
de mieux, le terme « victime » désignera donc ici les personnes dont
la Rédaction estime qu’elles sont suffisamment impliquées dans le fait divers
pour mériter d’être mentionnées avec leur identité. Nous percevons bien le
caractère auto-référent de notre définition. Mais, dans le cadre de ce travail,
nous devrons nous en contenter car il colle à la réalité. Par exemple, dans un
accident impliquant un conducteur local et un couple venu d’un pays éloigné,
l’identité à trouver sera celle du conducteur local même s’il est indemme et
que les deux autres personnes sont tuées. La « victime » sera donc
définie différemment en fonction de la ligne éditoriale du journal.
Des écueils à éviter
Le
faitdiversier croise parfois les victimes[33]. Si
c’est le cas, il lui est possible de leur demander directement leur identité et
même leur autorisation pour la publication de leur nom dans le journal[34]. Cette
formule est, semble-t-il, plutôt rare (surtout dans les accidents de voitures,
les victimes sont souvent hospitalisées ou occupées à d’autres priorités que de
répondre aux questions de la presse).
Le
faitdiversier peut également être confronté à de fausses victimes, qui se
déclarent telles pour toute une série de raisons (un passager qui se déclare
conducteur parce que ce dernier avait bu de l’alcool ou n’avait pas de permis
par exemple). Le témoignage de la fausse victime devient alors une source de
désinformation. De plus, il est à noter que le journaliste n’est pas en mesure
légale d’obtenir la preuve de l’identité de la victime.
L’obtention
des informations auprès des victimes nous semble être problématique, dans tous
les cas de figure.
2.
Les témoins
Le
fait divers peut se dérouler en présence de témoins. Dans cette catégorie, nous
plaçons également les personnes qui ont porté secours aux victimes (même si
elles n’ont pas été directement témoins de l’événement). Les identités de ces
témoins, surtout s’ils ont pris une part active dans le fait divers, vont
également intéresser la Rédaction. En effet, ils pourront être considérés comme
les « héros du jour ».
Ils
intéressent donc doublement le faitdiversier. D’une part comme source
d’informations précieuse du fait divers et d’autre part comme acteur dont le
nom peut (ou doit) être révélé aux lecteurs. Il est légitime de penser ici que
le faitdiversier consciencieux demandera au témoin l’autorisation de publier
son identité.
Notons
que les témoins sont eux-mêmes parfois choqués par ce qu’ils ont vécu. Leur
témoignage peut en être déformé. Enfin, le faitdiversier devra être attentif à
la présence de faux-témoins.
3.
Les riverains
Les
riverains peuvent également être une source d’informations. Le principal biais
ici sera la tentation de certains riverains d’insister sur certains éléments
les concernant plus durablement : dangerosité de la chaussée, insuffisance
de la distribution d’eau, ...
4.
Les ambulanciers/pompiers
Nous
n’effectuerons pas de distinction entre les ambulanciers et les pompiers car,
dans la zone qui nous occupe, ils sont placés sous la même autorité et
assurent, au sens large, la même mission : le service de secours.
Les
pompiers sont, évidemment, une source d’informations très précieuse. Ils
interviennent directement au coeur de l’action. Ils peuvent donc apporter des
détails pertinents qui rendront l’article mieux documenté. Ils n’ont toutefois
pas le droit de révéler des informations personnelles ni, a fortiori, des
identités.
5.
Les docteurs
En
ce qui concerne les questions posées par la presse, les médecins présents sur
place sont non seulement soumis aux mêmes lois que les pompiers et ambulanciers
mais, de plus, ils se retrancheront derrière le secret médical. Toutefois, vu
leur proximité thérapeuthique avec la (les) victime(s), il est envisageable
d’obtenir auprès d’eux une autorisation (ou au contraire une interdiction) des
victimes pour la publication de leur identité.
6.
Les policiers
Les
policiers ont un rôle clef dans la gestion des identités. Nous l’avons vu, ils
obtiennent leurs informations en pratiquant l’identification des victimes sur
place ou à l’hôpital. Ils ne peuvent pas transmettre non plus cette information
à la presse. Une circulaire du Parquet de Namur va plus loin. Elle enjoint les
policiers à éviter que les plaques d’immatriculation puissent être identifiées
sur les photos publiées dans la presse.
L’explication
est simple : la police a également pour mission d’avertir la famille des
victimes (sauf dans le cas où celles-ci sont conscientes et demandent à un
autre service, par exemple l’hôpital, de s’en charger). Cette mission délicate
est aujourd’hui encadrée par des professionnels de l’aide aux victimes. Or cette opération peut prendre un certain
temps, assez de temps parfois pour que l’information soit vue par des membres
de la famille dans le journal avant l’annonce officielle. Ce phénomène, réputé
psychologiquement désastreux, est bien entendu renforcé par l’émergence des
nouvelles technologies. La publication sur une page Facebook de la photo d’une
voiture accidentée présentant sa plaque d’immatriculation peut très rapidement
être découverte par un membre de la famile.
7.
Les services publics
Certains
services publics, ou membres du secteur privé en mission de service public,
peuvent également intervenir sur les lieux du sinistre : eau, gaz,
électricité, poteaux d’éclairage, service d’épandage, ... Ils sont tout autant soumis au secret
professionnel. Les fonctionnaires, de plus, sont également tenus au devoir de
réserve.
8.
Les autres journalistes
Les
autres journalises présents sur place peuvent détenir des informations et être
disposés à les partager. Cette solution peut être celle de la facilité mais il
ne faudra pas oublier que l’autre journaliste est également un concurrent et
qu’il risque donc de taire certaines informations pour s’assurer une
exclusivité.
9.
Expert du Parquet
Des
experts du Parquet descendent parfois sur les lieux d’un fait divers. Ils
disposent d’éléments techniques précis et, généralement d’un avis sur le
déroulement des faits. Toutefois, ils arrivent sur place généralement
tardivement.
10.
Les dépanneurs
Les
dépanneurs peuvent également disposer des identités si pas des victimes, au
moins du propriétaire du véhicule ou de la personne assurée. A priori, le
dépanneur est soumis au secret professionnel et ne peut donc dévoiler les
identités. Notons toutefois qu’un nouvel élément entre ici en ligne de
compte : le dépanneur a, la plupart du temps, un intérêt commercial direct
à ce que son nom apparaisse dans la presse. Il aura donc tendance à répondre
favorablement aux demandes du faitdiversier. Par ailleurs, le dépanneur est
souvent un indépendant qui n’est donc pas soumis à la sanction d’une
hiérarchie, ce qui le rendre plus « libre » par rapport à la loi. Cependant
les dépanneurs interviennent régulièrement pour le compte de “compagnies
d’assistance”, on peut y voir une forme de relation de subordination, au moins
économique. Nous avons contacté Touring dans le but de savoir quelle
déontologie elle imposait à ce sujet à ses dépanneurs. La réponse du directeur
de la communication, Danny Smagghe, est limpide, à défaut d’être
vraisemblable : « On ne donne pas de telles informations (vie privée)
aux journalistes, sur base des lois existantes. Nous n’avons pas de réglement
spécifique pour cela. C’est la même chose pour les personnes que nous assurons
à l’étranger via l’assurance voyage. Nous recevons à ce niveau également des
demandes de la presse pour pouvoir contacter des personnes impliquées par un
incident. On ne donne pas les noms de ces gens à la presse[35] ».
11.
Les pompes funèbres
Les
entreprises de pompes funèbres disposent normalement de l’identité des
personnes décédées qu’elles emportent. Cette source d’informations relève
également du secteur privé et a un intérêt commercial à voir son nom figurer
dans la presse. De plus, il nous semble que l’article 458 du code pénal
(point 1.2) ne s’applique pas totalement aux entreprises de pompes
funèbres pour la simple raison qu’elles seront souvent amenées à transmettre
l’annonce du décès (notamment via un faire-part dans la presse). Notons enfin
que les entreprises de pompes funèbres peuvent permettre d’établir un lien avec
la famille et d’obtenir une photo d’identité, dans le respect de la législation
sur le droit à l’image.
12.
Internet
Cette
source peut dorénavant être consultée directement sur les lieux du fait divers,
ou très rapidement après les faits. Au niveau des identités, le faitdiversier
devra se montrer très prudent : qualité de l’information, existence d’éventuels
homonymes...
Au
niveau des images également, les problèmes générés par internet nous semblent
nombreux et vont sans doute s’amplifier avec le développement des
technologies : pour ne prendre qu’un seul exemple, pourra-t-on utiliser
des images d’un accident survenu devant une webcam et diffusées en direct sur
internet ? En ce qui concerne les questions soulevées par les nouvelles
technologies, bien qu’elles soient pertinentes et qu’elles trouveront bientôt
des applications dans notre domaine d’étude, nous ne pouvons que renvoyer le
lecteur au récent ouvrage d’Axel Türk « La vie privée en péril »[36] car les
véritables enjeux de la vie privée face à internet dépassent largement le cadre
du fait divers. Mentionnons simplement que M. Türk développe le concept de
« droit à l’oubli » qui pourrait, par exemple, empêcher que les
identités des victimes ne soient archivées « éternellement » sur les
sites internet des journaux. Ceci nous concerne indirectement puisque de
nombreux journaux régionaux disposent de sites internet.
13.
La vie privée des sources
Tous
les acteurs des sources mentionnées ci-dessus peuvent, à leur tour, demander à
ce que leur identité ne soit pas révélée. Il peut s’agir de policiers en
mission délicate, de personnes qui souhaitent cacher certaines informations à
leurs employeurs ou à leur famille, ...
Cette
question peut sembler anodine mais elle peut engendre parfois des répercussions
importantes pour une relation objective des faits.
Nous
avons interrogé cinq faitdiversiers[37] de la
presse régionale écrite (des groupes Rossel et Corélio) dans la région de
l’Entre-Sambre-et-Meuse. Nous avons choisi ce secteur car la notion de presse
régionale et d’identités des victimes y a encore tout son sens.
Connaissances générales sur
le faits divers
Dans
les différentes définitions proposées par les reporters, le fait divers est
souvent situé dans l’espace public ou bien encore : « Tout ce qui est
traité soit par la police, soit par les pompiers ».
Majoritairement,
les reporters jugent que le fait divers est digne de figurer dans le journal en
se référant à trois critères : l’intérêt du public, la volonté de la
Rédaction ou, tout simplement, l’habitude. La question de savoir si le fait
divers va ou non être publié ne semble pas préoccuper les faitdiversiers
interrogés.
Connaissances générales sur
la vie privée
Aucun
faitdiversier n’a reçu de formation juridique au sujet de la vie privée par son
média : les journalistes diplômés ont étudié cette problématique durant
leurs études, les autres jamais.
La
plupart regrettent d’ailleurs ce manque d’information.
Le
définitions apportées à la notion de vie privée se réfèrent principalement à
celle d’intimité, avec un objectif de protection. L’un des professionnels a
proposé une définition plus précise : « L’ensemble des
caractéristiques personnelles d’un individu dont la divulgation peut, avec
discernement, s’avérer utile pour la compréhension (ou la tentative
d’explication) par le lecteur ».
Connaissances pratiques
Habitués
à intervenir concrètement et à faire publier leurs articles, nous leur avons
demandé ce qu’ils pensaient légitime de publier. L’argument principal pourrait
se résumer de la sorte : tout ce qui peut avoir été connu par un passant
peut être publié. Autrement dit, ce qui se déroule dans un lieu public.
En
ce qui concerne les éléments qu’ils pensent ne pas avoir le droit de publier,
les réponses sont plus nuancées, voire imprécises : l’un évoque les
identités complètes, d’autres des éléments de nature personnelle, comme les
orientations sexuelles.
Applications réelles
Nous
avons ensuite cherché à savoir concrètement comment et auprès de qui ils
obtenaient ces informations sur la vie privée.
Obtention de
l’identité par le
|
Responsable pompier
|
82% *
|
|
policier
|
62%
|
Autorisation de
photographier la carte d’identité
|
Responsable pompier
|
61 % **
|
|
police
|
32 %
|
*Un faitdiversier confie que cet accord est obtenu à condition qu’il se
taise sur la provenance de l’info.
**Un faitdiversier précise que les pompiers n’ont généralement pas
cette carte d’identité. Et qu’il est humainement et déontologiquement plus
correct d’obtenir la photo auprès des pompes funèbres.
Tous
les faitdiversiers interrogés affirment qu’ils ne rencontrent pas de problèmes
majeurs avec la question des identités ni sur les lieux des faits divers ni
après la publication de leur papier. Ils affirment tous que, si les victimes
leur demandent de ne pas publier leur identité, alors ils ne le font pas.
Le premier appel
Les
faitdiversiers prétendent qu’ils sont avertis par des témoins ou des amis,
voire par le radio-guidage[38]. Ils
reconnaissent toutefois être avertis dans les mesures suivantes par les acteurs
officiels :
Appel spontané des
pompiers
|
60 %
|
Appel spontané de la
police
|
20 %
|
Au
terme de ce parcours, il nous semble que la question soulevée par la relation
entre vie privée et faits divers dans la presse régionale se ramifie en de
nombreuses interrogations qui ne peuvent pas être tranchées. Trois
recommandations nous paraissent pourtant pouvoir ressortir de notre
approche : la pertinence d’une meilleure formation juridique des
faitdiversiers, l’intérêt d’ajouter au registre national le souhait de figurer
ou non dans le journal en cas de faits divers et, enfin, la nécessité
d’empêcher la publication, sur internet, des identités complètes.
D’abord,
nous avons remarqué que la définition même du fait divers était souvent établie
par la Rédaction, ou si l’on préfère, par la ligne éditoriale du journal.
Ainsi, les « faits divers » ne forment pas une catégorie rigoureuse
du travail journalistique. Ce premier élément n’est guère problématique en
lui-même mais il entraîne une conséquence qui, elle, peut s’avérer dommageable.
En effet, la Rédaction est également celle qui désigne ce qu’est une
« victime », ou plus largement les personnes qui sont
« dignes » de figurer dans le journal. Or, celles-ci sont rarement
invitées à donner leur accord sur cette publication.
Pour
autant, leur « vie privée » n’est pas forcément bafouée. Nous avons
effectivement mis en lumière dans notre approche de la vie privée trois
éléments fondamentaux : le secret et la tranquilité mais aussi l’autonomie
ou, si l’on préfère, la liberté de s’exposer dans la sphère publique. Ce
troisième élément est souvent négligé mais nous avons montré pourquoi il était
essentiel, surtout dans une société médiatisée, pour tout un chacun de pouvoir
accéder à la reconnaissance publique. Or, le fait divers, aussi fortuit
soit-il, peut permettre à certains acteurs de transmettre un message à
tous : « sa » vérité sur le déroulement de l’événement par
exemple. Le SPF Justice a initié en 2011 la campagne « victimes et
medias » qui entend donner des conseils aux victimes. Cette iniative nous
semble louable mais elle devrait être intensifiée dans un volet préventif. Et,
pourquoi pas ?, se compléter de la constitution d’une base de données,
couplée à celle du Registre National, dans laquelle les citoyens pourraient
déclarer préalablement à tout incident s’ils souhaitent, ou non, que leur
identité soit dévoilée par la presse.
Ce
qui peut éventuellement choquer dans la publication non clairement consentie
des identités, c’est que le passage de la sphère privée à la sphère publique
soit imposé par un opérateur extérieur non mandaté par les principaux
intéressés. Malgré l’absence formelle de consentement de la part des principaux
concernés, cet opérateur est tenu, de par sa mission démocratique, d’exercer un
devoir d’information. La Presse est donc ici renvoyée à son statut particulier
dans une société démocratique et doit donc faire preuve d’une extrême rigueur
dans la gestion des identités. Le cadre
juridique est soumis à deux tensions opposées. D’une part, la loi belge protège
la vie privée, s’inscrivant par là dans la filiation de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme et de celle de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme. D’autre part, la liberté de la presse est, elle aussi,
protégée par la loi. Lors de la relation des faits divers, en particulier dans
la presse régionale, ces deux corpus légaux peuvent entrer en conflit. Sur ce
point, dans le secteur de l’Entre-Sambre-et-Meuse namuroise, les témoignages
recueillis montrent plutôt, chez les faitdiversiers, une grande volonté de trouver
un équilibre, dans le respect des victimes, mais également une totale
méconnaissance du cadre juridique dans lequel ils évoluent. Une formation
juridique correcte des acteurs de terrain comblerait un manque qui nous semble
potentiellement dangereux. La dimension de ce travail ne nous permet d’étudier
la quantité exacte de ces conflits mais, en nous basant sur les témoignages
recueillis ici, le phénomène semble rarisssime.
Ceci
ne signifie pas pour autant que les conséquences réelles de la publication des
identités sont négligeables pour les victimes[39]. Ces
dernières ont probablement des préoccupations plus importantes entre leur
accident et la publication de l’article le lendemain matin, ce qui explique
peut-être une certaine résignation. Peut-être aussi la publication de ces
informations dans la presse régionale libère-t-elle les victimes et leurs
familles de la charge d’expliquer et de réexpliquer cent fois l’accident.
Inversément, on sait aussi que la relation des faits par les victimes participe
à la guérison de leurs séquelles psychologiques[40]. On
retrouve donc ici aussi, une ambivalence.
Au
terme du présent travail, il nous semble que la vie privée n’est pas gravement
atteinte par la publication des identités des victimes dans la presse
régionale. Toutefois, un dernier point doit être évoqué. Le fait d’alimenter un
site internet avec ces informations nous semble dommageable pour les victimes.
Le droit à l’oubli médiatique devrait pouvoir s’exercer de manière automatisée.
Le remplacement des noms et prénoms par les initiales dans la version
« web » de l’article, ce qui n’est pas le cas actuellement, ne nous
semble pas une opération techniquement insurmontable. L’accumulation
virtuellement infinie de toutes ces identités liés à des événements personnels
marquants nous semblent la véritable menace pour la vie privée. Et la
publication quasi immédiate des identités complètes peut générer des stress
intenses parmi les familles et les amis.
Le
fait divers, qui est une rubrique très lue, fascine le lecteur. Il est
également un sujet d’étude passionnant car il résiste aux définitions et se
trouve au coeur d’intérêts personnels et collectifs très variés. Il évoque
aussi la vie et la mort, la chance et le malheur. A cause de tout cela il
constitue peut-être la rubrique la plus problématique du journal.
ARTICLE
LETEINTURIER,
Christine, Fait divers , in
Encyclopedia universalis, 2002.
MALLET-POUJOL Nathalie, Protection de la vie privée et des données
personnelles, in Legamedia, Pôle Droit de la Communication, Université de
Montpellier I, mars 2004.
OUVRAGES
ARENDT Hannah, Condition de
l’homme moderne, trad. Georges Fradier, Calman-Lévy, 1961 et 1983.
CHEVALIER Louis, Splendeurs et
misères du fait divers, édition établie par Emilio Luque, Coll. Tempus,
éditions Perrin, 2011.
DE LA HAYE, Yves, Journalisme mode d’emploi : Des
manières d’écrire l’actualité, Coll. Media Discours, Ed. La Pensée sauvage
et les Editions littéraires et linguistiques de l’Université de Grenoble 3,
1985.
GUEDJ, Alexis, Libertés et responsabilité du journaliste
dans l’ordre juridique européen et international, Coll. Droit et Justice,
Ed. Nemisis, Bruylant, 2003.
JONGEN François, Droit des médias
et de la communication, syllabus du cours LCOM1322, UCL, Faculté des
Science économiques, sociales et politiques, 2011.
ROCHELANDET Fabrice, Economie des
données personnelles et de la vie privée, Coll. Repères, Ed. La Découverte,
Paris, 2010.
SAUVAGE,
Christian, Journaliste : une
passion, des métiers, Coll. Connaissance des médias, Editions du Centre de
Formation et de perfectionnement des jounalistes, Paris, 1988, p.101.
TÜRK,Axel, La vie privée en
péril. Des citoyens sous contrôle », Odile Jacob, 2011.
INTERVIEWS
CHARLIER Jean-Paul, commandant des pompiers de Namur, Chef de service,
rencontre le 13 février 2012.
PACCO Jean-François, chef d’édition (Namur) du quotidien
« L’Avenir », rencontre le 6 février 2012.
CORPUS LEGAL
Arrêté royal relatif aux plans d’urgence et d’intervention du
16 février 2006.
Circulaire ministérielle NPU-2 relative au plan général d’urgence et
d’intervention du Gouverneur de Province, publiée au MB le 9 septembre
2009.
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, signée à
Rome le 4 novembre 1950, ratifiée en Belgique par la loi du 13 mai
1955.
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
Circulaire ministérielle adressée aux Gouverneurs de Provinces par la
Ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom, septembre 2011.
SITES INTERNET DIRECTEMENT
UTILES
Le SPF Intérieur a mis en ligne en 2011 le site www.victimesetmedias.be
qui offre aux victimes des conseils dans leurs relations avec les medias.
La Fondation Roi Baudouin et l’AGJPB ont mis en ligne voici dix ans www.press-justice.be
qui n’est actuellement (mai 2012) plus à jour.
[2] DE LA HAYE, Yves, Journalisme mode d’emploi : Des
manières d’écrire l’actualité, Coll. Media Discours, Ed. La Pensée sauvage
et les Editions littéraires et linguistiques de l’Université de Grenoble 3,
1985.
[4] SAUVAGE, Christian, Journaliste : une passion, des métiers,
Coll. Connaissance des médias, Editions du Centre de Formation et de
perfectionnement des jounalistes, Paris, 1988, p.101.
[5] Professeur au Collège de France de 1952 à
1981, il donna lors de sa dernière année académique un cours sur le faits
divers. Le tapuscrit de ce cours et les notes de M. Chevalier ont permis
l’édition en 2011 de Splendeurs et
misères du fait divers. L’ouvrage développe l’histoire du faits divers en
insistant sur sa place dans la presse et dans la société. Il insiste également
sur les liens entre relation du fait et exagération, voire élucubration (les
canards). La vie privée n’est pas directement abordée par M. Chevalier, au
contraire, pour lui, la quintessence du faits divers est anonyme, pour toucher
à l’universel.
[6] A titre informatif, l’IBSR révèle qu’en 2009,
63.661 personnes ont été blessées ou tuées dans des accidents de voiture
en Belgique (rapports complets disponibles sur le site www.cfsr.be).
[7] C’est le cas par exemple d’un accidenté qui
est retrouvé inconscient ou mort dans des broussailles le long d’une route
désertée.
[8] Que l’on pense à des incendies d’usines ou à
des pollutions.
[9] ARENDT, Hannah, Condition de l’homme moderne, trad. Georges Fradier, Calman-Lévy,
1961 et 1983.
[10] Pour un développement complet de cette
argumentation, nous ne pouvons que renvoyer au chapitre 2 de l’ouvrage
précité de H. ARENDT.
[11] ROCHELANDET, Fabrice, Economie des données personnelles et de la vie privée, Coll.
Repères, Ed. La Découverte, Paris, 2010.
[12] Ibidem, pp. 7-8.
[13] Ibidem, p.10.
[14] On peut penser ici à l’affaire Dutroux.
[15] Voire de “faux” fait divers. Certaines
émissions sont ainsi conçues autour de la projection de séquences familiales
comportant un incident ou une situation qui pourrait, par ailleurs, faire l’objet
d’un fait divers.
[16] Le SPF Intérieur a mis
en ligne en 2011 le site www.victimesetmedias.be qui offre aux
victimes des conseils dans leurs relations avec les medias. Des petites cartes
reprenant les conseils principaux ont été distribués auprès des secouristes
pour être remises aux victimes. Parmi ces conseils, on découvre d’autres
arguments en faveur d’une couverture médiatique: donner et assurer la qualité
de sa version des faits, lancer un appel, favoriser le processus d’assimilation
en visionnant le reportage, ...
[17] Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme, art. 19.
[18] Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme, signée à Rome le 4 novembre 1950, ratifiée en Belgique
par la loi du 13 mai 1955, art. 10.
[19] JONGENF, p. 7.
[20] Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme, art. 12.
[21] Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme, art. 8-1.
[22] Constitution belge, texte coordonné du
17 février 1994 (officieux), art. 22
[23] « Déclaration des devoirs et des droits
des journalistes », texte adopté par les représentants des syndicats des
journalistes des 6 pays membres de la Communauté Européenne à Munich, les
24 et 25 novembre 1971 et adopté ensuite la Fédération Internationales des
Journalistes (F.I.J) au congrès d’Istambul en 1972. Reproduit dans Aide-mémoire de la presse judiciaire, AGJPB,
sans date, (avant-propos de Marcel Bauwens, alors président de l’AGJPB)
[24] MALLET-POUJOL, Nathalie, Protection de la vie
privée et des données personnelles, in Legamedia, Pôle Droit de la
Communication, Université de Montpellier I, mars 2004, p.7
[25] Pour une vision plus
globale de cette problématique, on pourra se référer utilement au chapitre
“Respect du secret de la vie privée” dans GUEDJ, Alexis, Libertés
et responsabilité du journaliste dans l’ordre juridique européen et
international, Coll. Droit et Justice, Ed. Nemisis, Bruylant, 2003.
[26] PACCO Jean-François, chef d’édition (Namur)
du quotidien « L’Avenir », rencontre le 6 février 2012.
[27] CHARLIER Jean-Paul, commandant des pompiers
de Namur, chef de service, et chef fonctionnel du centre 100/112 de la Province
de Namur, rencontre le 13 février 2012.
[28] Cette disposition génère une difficulté
organisationnelle particulière dans la création des centres 112. En effet,
ceux-ci seront assurés conjointement par des opérateurs « pompiers »
et par des policiers qui, eux, devront, au contraire, utiliser toutes les
informations dont ils disposent pour mener l’enquête, en ce, y compris, les
identités des appelants.
[29] Circulaire ministérielle adressée aux
Gouverneurs de Provinces par la Ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom,
septembre 2011.
[30] “Les médecins, chirurgiens, officiers de
santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par
état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils
sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d’enquête
parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les
auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et
d’une amende de cent euros à cinq cents euros”.
[31] Cette discipline 5 est définie à
l’article 14 de l’arrêté royal relatif aux plans d’urgence et
d’intervention du 16 février 2006 : “La discipline 5 concerne l’information. Les missions relatives à
l’information comprennent notamment les tâches suivantes. Pendant la situation
d’urgence : donner des informations et des directives à la population.
Après la levée de la situation d’urgence : donner des informations sur les
mesures à prendre en vue de revenir à la situation normale”. La discipline
5 est également précisée dans la Circulaire ministérielle NPU-2 relative au
plan général d’urgence et d’intervention du Gouverneur de province, publiée au
MB le 9 septembre 2009. On peut y lire, au point 3.2.7 : “Afin de maîtriser au mieux les imprévus
lors d’une situation d’urgence, il est important d’anticiper et de préparer le
plan de commmunication”. Notons que le même point précise que le Gouverneur
doit assurer la mise en place d’un Centre de Traitement de l’Information “... visant à recueillir, centraliser
et vérifier des informations relatives aux identités et à la localisation des
victimes indemnes, blessées et décédées”. Mais ce Centre travaille à destination
de la discipline 2, c’est-à-dire les secours médicaux, sanitaires et
psycho-sociaux.
[32] Cette expérience a été acquise en 1993 et 2005 dans l’arrondissement
de Philippeville et ensuite celui de Namur. Faitdiversier attitré du journal
“Vers l’Avenir” et collaborateur pour plusieurs medias et agences de presse,
j’ai couvert environ 3500 faits divers en qualité d’indépendant
semi-professionnel.
[33] Le SPF Intérieur a mis
en ligne en 2011 le site www.victimesetmedias.be, mentionné plus
haut, qui offre aux victimes des conseils dans leurs relations avec les medias.
[34] A priori cette approche peut sembler la plus
“correcte” mais il ne faut pas perdre de vue que les victimes sont souvent
choquées et donc affaiblies. Rien n’empêche légalement le journaliste de les
interroger mais il reste à voir si cette démarche ne s’apparente pas, dans
certains cas, à un abus de faiblesse.
[35] Echange d’emails entre le 17 et le
29 février 2012, le document intégral figure dans l’annexe du présent
mémoire.
[36] TÜRK, Axel, La vie privée en péril. Des citoyens sous contrôle, Odile Jacob,
2011.
[37] Témoignages recueillis à l’aide d’un
questionnaire transmis par email en février–mars 2012. Les questionnaires
remplis figurent à l’ANNEXE B du présent travail.
[38] Les chiffres évoqués ici nous semblent peu
crédibles. Lorsque nous étions faitdiversier, nous n’aurions jamais répondu à
la question de savoir qui nous prévenait. Le “premier appel” est probablement
le secret le mieux gardé du faitdiversier, d’autant qu’il est directement lié à
la garantie de protection de l’anonymat de la source. Les chiffres sont donc
donnés ici à titre informatif.
[39] A titre d’exemple : nous avons rencontré un propriétaire d’une maison
partiellement détruite par un incendie. Son identité figurait dans le journal,
tout comme le fait que sa maison était inoccupée pour l’instant: il s’estimait
lésé par la publication de ces deux informations.
[40] Certes, la relation du fait divers dans la presse n’est pas un acte
thérapeutique mais cette dimension
pourrait faire l’objet d’une recherche complémentaire intéressante dans le
cadre de la psychologie.
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