EXERCICE DE PHILOSOPHIE #9 : Le banquet des fachos
Votre ami vient de gagner un concours de
poésie sur le thème des migrants et, pour fêter sa victoire, il vous invite à
un repas le mercredi soir. Mais il vous prévient, chaque invité devra se
prononcer sur les migrants. Vous acceptez volontiers.
Le mercredi soir en question, chacun s’installe autour de la table basse dans la pièce cossue, on sert les verres et on écoute religieusement. C’est le chef de la
police qui prend la parole le premier.
- Je
suis très honoré de participer à ce repas. En ce qui me concerne, je voudrais
être franc. Depuis l’arrivée des migrants, nos services sont débordés. Il ne
s’agit pas spécialement des actes commis par les migrants mais de la multitude
des problèmes connexes : sécurité des manifestations, missions pour
rassurer la population. Mes hommes doivent en outre acquérir de nouvelles
compétences liées à l’apparition de nouvelles langues et de nouvelles
pratiques. Il est trop tôt pour déterminer si le taux de criminalité va
augmenter ou pas mais ce dont je suis sûr c’est que je vais devoir augmenter
mon budget. Mais je n’obtiendrai jamais cet argent supplémentaire. C’est la
raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je suis favorable à l’arrêt de
cette vague migratoire.
Les invités boivent rapidement une gorgée et
c’est au tour du maire de prendre la parole :
- Je
veux rebondir immédiatement, il n’est pas question pour moi d’augmenter le
budget de ma police. J’en suis incapable, il faudrait encore augmenter les
impôts ou bien couper dans d’autres services ! Sans compter que la plupart
de ces migrants dépendront de l’Aide sociale. Je n’ai absolument rien contre
les Migrants, j’en ai même reçu dans mon bureau et ils se sont montrés
charmants mais je n’aurai pas les moyens d’en recevoir plus.
Autour de la table, il y a aussi un jeune homme
qui termine son jus de tomate :
-En tant
qu’écologiste, je vois d’un mauvais œil cette migration massive. Certes
l’empreinte carbone initiale n’est pas mauvaise puisque les migrants marchent
ou prennent les transports en commun mais ce qui m’inquiète c’est la pression
sur l’environnement qui va être exercée : une masse non négligeable
d’individu va subitement consommer beaucoup plus et, de surcroît, cela
nécessitera de nouvelles prises sur les sols qui sont déjà menacés. Mais
attention, je n’ai rien contre ces gens, certains n’ont certainement jamais
pensé à détruire la planète. Que cela reste entre nous mais vraiment, la coupe
est pleine.
Autour de la table basse, vous pouvez entendre
quelques signes de surprise après cette déclaration. Mais ce n’est pas tout, un membre de la Ligue des
Droits de l’Homme enchérit :
-Je te
comprends. J’ai un sentiment du même genre. Nous défendons les droits humains,
vous le savez. Mais dans le cas présent, nous sommes embarrassés. L’arrivée
massive de migrants a marqué une diminution des libertés parmi nos
compatriotes aussi : retour des tracasseries aux frontières, nouveaux
règlements, modification du fonctionnement de la police et même… Etat
d’urgence. Bien sûr, c’est le terrorisme qui justifie cela, pas la migration en
tant que telle. Mais il faut être réaliste : plus les migrants seront
nombreux, plus il sera compliqué pour la police de chercher et, forcément, les
lois d’exception se multiplieront. Les Droits humains seront sacrifiés, comme
c’est souvent le cas, sur l’autel de la Sécurité. Aussi, je préconise la fin de
cette migration massive.
Le policier se penche pour tendre la main au
représentant des droits humains. L’invité le plus turbulent, une bouteille de bière à la main, se lève
alors :
-A mon
tour ! Vous me connaissez tous, je suis le syndicaliste de service. Comme
toujours, je serai franc et direct. Je vais vous expliquer l’histoire de
Jacqueline, 47 ans, caissière d’exception ! Il y a deux mois, elle se fait
virer, pour raison économique. Il y a une semaine, c’est Fatima qui apparaît
dans les rayons. Notre délégué se renseigne discrètement : elle est
payée trois fois moins. Il va se plaindre à la direction : il se fait
traiter de raciste et on le menace d’un procès. Voilà. Dans de nombreux
secteurs, le prix de la main d’œuvre s’effondre. Y compris pour les femmes
d’ouvrage d’ailleurs ! Tout cela est scandaleux. Nous avons pris Fatima
dans notre Syndicat et nous la protégerons car elle est exploitée mais il faut
être clair, cette situation est rendue possible à cause des migrants. C’est une
invasion néo-libérale, qui détruit les avantages
sociaux au nom de l’humanitaire ! Il est plus que temps de
l’arrêter !
Un monsieur plus âgé, installé confortablement
entre son verre de vin rouge et son fauteuil, s’exprime alors avec sa vieille voix de
professeur :
-Les migrations
ont ponctué l’histoire humaine et ce partout dans le monde, parfois sous la
forme d’un besoin de refuge, pensons aux Belges qui ont fui en France, ou sous
la forme d’invasion ou de colonisation. Les civilisations naissent et meurent,
c’est le cycle de la vie. Il est impossible aujourd’hui de savoir ce qu’il en
est avec ces Migrants. Certains cherchent refuge ici, d’autres y voient une
opportunité économique, d’autres y voient la possibilité d’agrandir le territoire
de leur religion. Bien malin celui qui peut le savoir. D'autre part, notre culture est
unique et nous pourrions en être fiers cependant elle peut bénéficier de mélanges
avec d’autres traditions pour s’améliorer encore. Toutefois, j’aimerais
préciser une chose, au cœur de notre culture git notre conception laïque de l'Humanité elle-même
qui semble être une exception dans l’histoire de l’homo sapiens. Et je ne vois pas
très bien comment nous pourrions transmettre cette particularité aussi
rapidement à une telle quantité d’individus peu formés à cette vision du monde…
L’invité le plus distingué, Maitre Pierre, qui
dégustait un Cognac, debout contre la cheminée, entre alors en piste :
-En tant
que juriste je ne peux que vous rappeler la Convention de Genève qui contraint
à accueillir les Migrants. Tous vos arguments n’ont aucun poids face à cette
obligation. Toutefois…
Ménageant ses effets, il attend que tout son
auditoire lui soit acquis :
-…toutefois
nous pourrions bien sûr invoquer l’article 44 qui, de mémoire, stipule que tout Etat pourra dénoncer la
Convention à tout moment, par notification adressée au Secrétariat général des
Nations Unies. Entre la dénonciation et
son effet, il doit s’écouler un an. Moi je pense que, si nous voulons rétablir
un peu de sens à cette Convention qui a été conçue pour des groupes de
réfugiés, pas pour des cohortes, nous devrions organiser un referendum !
Votre ami vous sourit, c’est à votre tour de
prendre la parole…
Exercice :
1. Rédigez votre intervention. Astuces: vous pouvez rebondir sur l'une ou plusieurs interventions précédentes et vous situer par rapport à elles.
2. Pour les besoins de l’exercice, vous êtes facho et vous pensez qu'il existe un intérêt objectif à augmenter le chaos pour espérer pouvoir instaurer par la suite votre régime politique. Dans cette optique, trouvez des arguments en faveur de l’arrivée de migrants supplémentaires.
2. Pour les besoins de l’exercice, vous êtes facho et vous pensez qu'il existe un intérêt objectif à augmenter le chaos pour espérer pouvoir instaurer par la suite votre régime politique. Dans cette optique, trouvez des arguments en faveur de l’arrivée de migrants supplémentaires.