La communication publique : pour la vérité, contre la fracture numérique
Face aux fake-news, les institutions publiques doivent
continuer à diffuser des informations et à être entendues car elles
transmettent la Loi. Et elles sont tenues de les transmettre à tous les usagers.
Des communicateurs publics sont en charge de cette mission. Mal connus et mal
reconnus n’oeuvrent-ils pourtant pas, d’une part à maintenir une vérité d’une
haute qualité face à la tempête du relativisme? Et d’autre part à préserver les liens avec
personnes fragilisées, en évitant la fracture numérique. Et si la démocratie
parlementaire leur accordait enfin les moyens de mener à bien cette double quête ?
Délimitons d’abord la profession dont il est
question ici. En Belgique francophone, la communication publique désigne la
discipline qui transmet des informations émises par une instance publique à la
destination d’un groupe de citoyens.
Une
vérité solide
Cette information initiale présente donc le
mérite de reposer sur une assise solide puisqu’elle a été forgée dans un
creuset démocratique, souvent une assemblée législative ou, éventuellement, une
autorité politique mais pour des décisions prises dans le cadre de son mandat
exécutif. La communication
promotionnelle du politicien ou de son parti, que d’aucuns qualifieront de
propagande, relève de la communication politique, qui constitue une autre
discipline.
Cette information à émettre est par ailleurs
consignée dans le Moniteur Belge ou dans les procès-verbaux d’instances
officielles, ce qui autorise une validation rigoureuse via des recoupements
critiques par chaque citoyen qui le souhaite.
D’autre part, la communication publique
s’adresse à des citoyens, pas à des clients et elle ne cherche pas à vendre
mais à informer et/ou à favoriser des comportements visant l’intérêt général.
Elle ne peut donc pas être suspectée de marketing
Nous oserons qualifier cette information
initiale de « vérité ». Transmise
par les communicateurs publics, cette « vérité » profite d’arguments valables à opposer à la « post-vérité ». C’est une
information authentiquement citoyenne qui peut être vérifiée par tout un
chacun, dont l’émetteur est connu et doit rendre des comptes et qui n’entre pas
dans le cycle du profit.
Précarité
et fracture numérique
Les
communicateurs publics sont aujourd’hui, dans cette mission, régulièrement confrontés à un une problème dont peu
perçoivent l’ampleur : l’inégalité de traitement engendré par la fracture
numérique. Les technologiques modernes offrent des facilités indéniables pour
assurer des transmissions d’informations à grande échelle. Ces nouveaux moyens
se présentent souvent comme plus écologiques (le remplacement d’une brochure
par un site web par exemple) et plus économiques. Les budgets ont donc tendance
à les favoriser. Cette fascination peut escamoter une évidence : une
grande partie de la population précarisée ne dispose pas d’un accès efficace à
ces nouvelles technologies. Pour le secteur privé cette fracture numérique ne
constitue pas un problème puisque ces personnes ne deviendront pas des clients.
Sur ce point la communication publique et la communication du secteur privé
divergent fortement. Certaines techniques venues du secteur privé pourraient
donc s’avérer peu productives, voire même néfastes pour l’usager qui se trouve de l’autre côté de la fracture
numérique. Les stratégies communicationnelles publiques doivent prendre en
compte cette réalité. Une simplification administrative par le recours aux
ordinateurs doit donc se penser simultanément à la création (ou au moins à la
préservation) de canaux de transmission humains.
Peu
(re)connue
Forte de ces atouts, la communication publique
est pourtant fragilisée. Elle demeure très peu reconnue en Belgique francophone :
par le public, par ses propres acteurs et par ses commanditaires.
Le grand public connaît assez mal les
communicateurs publics car leur rôle est souvent médiatiquement effacé, à
l’exception des porte-parole. Les communicateurs publics se sentent parfois isolés
ou désignés par défaut à cette fonction, pourtant essentielle. C’est
pourquoi une association
professionnelle, WBCom, agit depuis de nombreuses années pour favoriser leur
formation continue. Des cours spécifiques sont dorénavant donnés dans les
universités et les hautes écoles. La communauté professionnelle se structure.
C’est un début prometteur mais cela ne suffira pas.
Il est sans doute temps d’aller plus loin et
d’inscrire la discipline dans une véritable reconnaissance sociétale. Trois
voies sont ouvertes.
Trois
voies vers la nouvelle vérité
La première piste suppose la constitution d’un
code déontologique, à l’instar de ce que l’Association Belge de la
Communication Interne (ABCI) a déjà réalisé. Le communicateur public porte une
responsabilité importante et il est indispensable que son action soit balisée
par un cadre déontologique.
Si un effort doit venir des communicateurs
eux-mêmes, d’autres mesures doivent être prises au niveau sociétal. Il ne faut
pas se voiler la face, le communicateur public est soumis à de fortes
pressions. Dans le chef de nombreux politiciens ou autres responsables de
service, la distinction entre information et propagande n’est pas extrêmement
claire. Des actions de communication
sont régulièrement perturbées par des comportements qui confondent l’intérêt
général et les avantages que certains peuvent en tirer. Le cadre légal ne
protège pas le communicateur public contre sa propre hiérarchie lorsque cette
dernière dérape. Ce sont les deux dernières pistes que nous préconisons :
d’une part que la description de fonction professionnelle du communicateur
public soit adaptée à l’importance de sa mission et d’autre part que sa
profession puisse être défendue par un Ordre officiellement reconnu.
Cette dernière piste peut paraître surprenante
dans la mesure où un Etat moderne se caractérise par une méfiance constitutive
à l’égard des corporatismes. Une telle association nous semble toutefois
nécessaire pour unir les forces pour défendre la neutralité de l’Etat et pour
offrir une réponse démocratique solide aux ravages de ce que certains nomment
parfois la post-vérité mais aussi à ceux de la ségrégation engendrée par la
fracture numérique.
François-Xavier HEYNEN
Administrateur WBCOM