Bonjo,
un jeune american staff a été abattu par la police. L’animal avait attaqué des
moutons et se montrait menaçant pour des policiers. Ces derniers ont préféré le
tuer. Un mouton a été euthanasié. Rapidement une pétition a circulé sur le net
pour demander une enquête approfondie auprès du Comité P. Plusieurs milliers de
personnes estiment ainsi que le comportement des policiers mérite une sanction.
Ce fait divers nous semble soulever une
question philosophique indirecte : pourquoi considérons-nous spontanément
que les signataires de cette pétition n’ont rien compris à notre vie en
société ? Nous pouvons trouver deux fondements de la vie en commun
malmenés par ces signataires : le contrat social et la spécificité
humaine. Mais, justement, à cause de ces arguments et de ce qu’ils sont devenus
en ce début de 21ème siècle, ne devrait-on pas analyser la pétition
sous un autre angle ?
contral social
Le contrat social tout d’abord. L’un des
fondements, ou des mythes fondateurs, de la Modernité est le concept selon
lequel les individus ont renoncé à exercer eux-mêmes la violence pour la
confier à l’Etat. En contrepartie, l’Etat protège les individus et est le seul
à pouvoir recourir légitimement à la violence, à quelques rares exceptions,
comme la légitime défense. La vie en commun exige donc que l’Etat, via par
exemple l’armée et la police, soit dépositaire de la violence. Les chiens réputés dangereux qui se montrent
agressifs peuvent être considérés comme un usage de la violence. Il s’agit de
la même problématique que celle de la possession d’armes. Une Kalashnikov est
aussi inoffensive dans une armoire qu’un chien qui dort devant le radiateur de
son maître. Et la grande majorité des armes en circulation n’a jamais mordu
personne. Toutefois leur usage est une remise en cause profonde du contrat
social. Le policier qui se retrouve, dans un village, face à un animal qui
vient de faire preuve de violence, est donc, dans le cadre de la philosophie
moderne, autorisé à éliminer ce danger. Parce que nous avons tous abandonné
l’usage de la violence, la police est même, dans une large mesure, invitée à
faire respecter, par la force si nécessaire, ce contrat.
spécificité humaine
La spécificité humaine ensuite. Comment l’homme peut-il être distingué des
animaux ? Certains courants offrent
à l’homme un statut privilégié (fils de
dieu…) ou une compétence réservée (langue, travail,…). D’autres courants
estiment que l’homme est un animal parmi d’autres et vont jusqu’à parler de
spécisme (Peter Singer, Deep Ecology) pour désigner la volonté d’accorder des droits
(et donc des avantages) spécialement aux hommes. Pour les premiers, la mort
d’un animal peut être un événement triste mais elle est sans commune mesure
avec celle d’un homme. Les animaux peuvent être aimés mais ils n’ont pas plus
d’importance qu’un autre bien. La
position des anti-spécistes est évidemment opposée. La mort volontaire d’un
chien est moralement inacceptable. Ceci
explique d’ailleurs en partie les motivations de certains végétariens. Les
animaux ne peuvent pas être exploités, torturés et, a fortiori, tués. Dans le
cas présent, la Justice devrait être requise pour enquêter sur un meurtre.
Toutefois si l’on admet cette approche, il faudrait aussi attaquer, sur base
des mêmes dispositions légales, le propriétaire de l’American Staff, pour
agression mortelle sur le mouton.
Comment se positionnerait GAIA sur cette question ? Notons au passage que l’on perçoit ici assez bien l’intérêt de
fonder la Justice sur la déclaration universelle des droits de l’Homme.
Parce que nous vivons dans une société qui est
à la fois fille du contrat social et de la spéciste pensée judéo-chrétienne, la
mort de ce chien nous semble une décision juste.
Mais, parce que des milliers de personnes sont
prêtes à poursuivre en justice les policiers, il nous semble pertinent
d’interroger notre double motivation.
Qui sont les signataires de cette pétition ? N’ont-ils rien compris
à la Modernité ? Sont-ils rebelles au contrat social ? Sont-ils
anti-spécistes ? Ou veulent-ils dire autre chose encore ?
Comment réguler la violence?
Sans doute certains d’entre eux sont-ils émus
par la mort d’un chien qu’ils peuvent identifier au leur. Sans doute aussi
d’autres voient-ils là l’occasion de discréditer l’autorité, la police en
particulier. Peut-être y a-t-il des sympathisants de GAIA ? Toutes ces
attitudes et/ou positions idéologiques demeurent minoritaires. Pour bâtir notre
société, nous avons privilégié la raison par rapport au sentiment, le respect
de l’autorité par rapport à l’anarchie et le spécisme par rapport au respect
des animaux.
Or cette société est en pleine mutation, la
Modernité n’est peut-être plus l’horizon indépassable. Et peut-être les
signataires de cette pétition voient-ils un autre monde possible ou ressentent-ils
plus profondément les limites du nôtre. Posséder un chien dangereux, serait une
sorte de rébellion, l’une des dernières possibles, contre le système. Même si ces arguments ne sont pas ceux des
signataires, il est possible de voir dans cette pétition un positionnement
philosophique de type post-moderne ou anti-sociétal. Et nous devons peut-être
écouter les plaintes des signataires de la pétition sans les nier ou les
moquer. Reconnaître avec bienveillance un
interlocuteur sérieux, dans ces gens capables de s’entourer de chiens dangereux
ou de réguler la violence dans la vie quotidienne ? Et quelle place laissent-ils à l’homme?
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