mardi 26 janvier 2016

Le banquet des fachos


EXERCICE DE PHILOSOPHIE #9 : Le banquet des fachos


Votre ami vient de gagner un concours de poésie sur le thème des migrants et, pour fêter sa victoire, il vous invite à un repas le mercredi soir. Mais il vous prévient, chaque invité devra se prononcer sur les migrants.  Vous acceptez  volontiers.

Le mercredi soir en question, chacun s’installe autour de la table basse dans la pièce cossue, on sert les verres et on écoute religieusement. C’est le chef de la police qui prend la parole le premier.
- Je suis très honoré de participer à ce repas. En ce qui me concerne, je voudrais être franc. Depuis l’arrivée des migrants, nos services sont débordés. Il ne s’agit pas spécialement des actes commis par les migrants mais de la multitude des problèmes connexes : sécurité des manifestations, missions pour rassurer la population. Mes hommes doivent en outre acquérir de nouvelles compétences liées à l’apparition de nouvelles langues et de nouvelles pratiques. Il est trop tôt pour déterminer si le taux de criminalité va augmenter ou pas mais ce dont je suis sûr c’est que je vais devoir augmenter mon budget. Mais je n’obtiendrai jamais cet argent supplémentaire. C’est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je suis favorable à l’arrêt de cette vague migratoire.
Les invités boivent rapidement une gorgée et c’est au tour du maire de prendre la parole :
- Je veux rebondir immédiatement, il n’est pas question pour moi d’augmenter le budget de ma police. J’en suis incapable, il faudrait encore augmenter les impôts ou bien couper dans d’autres services ! Sans compter que la plupart de ces migrants dépendront de l’Aide sociale. Je n’ai absolument rien contre les Migrants, j’en ai même reçu dans mon bureau et ils se sont montrés charmants mais je n’aurai pas les moyens d’en recevoir plus.
Autour de la table, il y a aussi un jeune homme qui termine son jus de tomate :
-En tant qu’écologiste, je vois d’un mauvais œil cette migration massive. Certes l’empreinte carbone initiale n’est pas mauvaise puisque les migrants marchent ou prennent les transports en commun mais ce qui m’inquiète c’est la pression sur l’environnement qui va être exercée : une masse non négligeable d’individu va subitement consommer beaucoup plus et, de surcroît, cela nécessitera de nouvelles prises sur les sols qui sont déjà menacés. Mais attention, je n’ai rien contre ces gens, certains n’ont certainement jamais pensé à détruire la planète. Que cela reste entre nous mais vraiment, la coupe est pleine.
Autour de la table basse, vous pouvez entendre quelques signes de surprise après cette déclaration. Mais ce n’est pas tout, un membre de la Ligue des Droits de l’Homme enchérit :
-Je te comprends. J’ai un sentiment du même genre. Nous défendons les droits humains, vous le savez. Mais dans le cas présent, nous sommes embarrassés. L’arrivée massive de migrants a marqué une diminution des libertés parmi nos compatriotes aussi : retour des tracasseries aux frontières, nouveaux règlements, modification du fonctionnement de la police et même… Etat d’urgence. Bien sûr, c’est le terrorisme qui justifie cela, pas la migration en tant que telle. Mais il faut être réaliste : plus les migrants seront nombreux, plus il sera compliqué pour la police de chercher et, forcément, les lois d’exception se multiplieront. Les Droits humains seront sacrifiés, comme c’est souvent le cas, sur l’autel de la Sécurité. Aussi, je préconise la fin de cette migration massive.
Le policier se penche pour tendre la main au représentant des droits humains. L’invité le plus turbulent, une bouteille de bière à la main, se lève alors :
-A mon tour ! Vous me connaissez tous, je suis le syndicaliste de service. Comme toujours, je serai franc et direct. Je vais vous expliquer l’histoire de Jacqueline, 47 ans, caissière d’exception ! Il y a deux mois, elle se fait virer, pour raison économique. Il y a une semaine, c’est Fatima qui apparaît dans les rayons. Notre délégué se renseigne discrètement : elle est payée trois fois moins. Il va se plaindre à la direction : il se fait traiter de raciste et on le menace d’un procès. Voilà. Dans de nombreux secteurs, le prix de la main d’œuvre s’effondre. Y compris pour les femmes d’ouvrage d’ailleurs ! Tout cela est scandaleux. Nous avons pris Fatima dans notre Syndicat et nous la protégerons car elle est exploitée mais il faut être clair, cette situation est rendue possible à cause des migrants. C’est une invasion néo-libérale,  qui détruit les avantages sociaux au nom de l’humanitaire ! Il est plus que temps de l’arrêter !
Un monsieur plus âgé, installé confortablement entre son verre de vin rouge et son fauteuil, s’exprime alors avec sa vieille voix de professeur :
-Les migrations ont ponctué l’histoire humaine et ce partout dans le monde, parfois sous la forme d’un besoin de refuge, pensons aux Belges qui ont fui en France, ou sous la forme d’invasion ou de colonisation. Les civilisations naissent et meurent, c’est le cycle de la vie. Il est impossible aujourd’hui de savoir ce qu’il en est avec ces Migrants. Certains cherchent refuge ici, d’autres y voient une opportunité économique, d’autres y voient la possibilité d’agrandir le territoire de leur religion. Bien malin celui qui peut le savoir. D'autre part, notre culture est unique et nous pourrions en être fiers cependant elle peut bénéficier de mélanges avec d’autres traditions pour s’améliorer encore. Toutefois, j’aimerais préciser une chose, au cœur de notre culture git notre conception laïque de l'Humanité elle-même qui semble être une exception dans l’histoire de l’homo sapiens. Et je ne vois pas très bien comment nous pourrions transmettre cette particularité aussi rapidement à une telle quantité d’individus peu formés à cette vision du monde…
L’invité le plus distingué, Maitre Pierre, qui dégustait un Cognac, debout contre la cheminée, entre alors en piste :
-En tant que juriste je ne peux que vous rappeler la Convention de Genève qui contraint à accueillir les Migrants. Tous vos arguments n’ont aucun poids face à cette obligation. Toutefois…
Ménageant ses effets, il attend que tout son auditoire lui soit acquis :
-…toutefois nous pourrions bien sûr invoquer l’article 44 qui, de mémoire,  stipule que tout Etat pourra dénoncer la Convention à tout moment, par notification adressée au Secrétariat général des Nations Unies.  Entre la dénonciation et son effet, il doit s’écouler un an. Moi je pense que, si nous voulons rétablir un peu de sens à cette Convention qui a été conçue pour des groupes de réfugiés, pas pour des cohortes, nous devrions organiser un referendum !

Votre ami vous sourit, c’est à votre tour de prendre la parole…

Exercice :

1. Rédigez votre intervention.   Astuces: vous pouvez rebondir sur l'une ou plusieurs interventions précédentes et vous situer par rapport à elles.
2. Pour les besoins de l’exercice, vous êtes facho et vous pensez qu'il existe un intérêt objectif à augmenter le chaos pour espérer pouvoir instaurer par la suite votre régime politique. Dans cette optique, trouvez des arguments en faveur de l’arrivée de migrants supplémentaires.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire