mardi 7 mai 2019

Le rallye de Wallonie et la démocratie


Le Rallye de Wallonie, la démocratie et la science

(Ce texte a été publié dans "L'Avenir" dans la rubrique "courrier des lecteurs" en réponse à un texte de M. Rihoux paru la semaine précédente - voir ci-dessous)


Dans son courrier des lecteurs du samedi 27 avril, M. J.-P. Rihoux s’insurge, une fois de plus, contre l’organisation du Rallye de Wallonie. Sa position est claire : l’organisation d’un rallye en zone urbaine est une menace, à ses yeux scientifiquement prouvée, pour la santé des citoyens.  Cette manifestation doit donc être interdite par le pouvoir communal en place. Or M. Rihoux, par ailleurs médecin, a prévenu le conseil communal namurois qui n’a répondu à son appel que par des remarques qu’il juge infondées. 
Si son discours peut sembler à première vue sympathique, citoyen et éclairé par la science, il comporte deux vices que nous aimerions développer : l’un menace la démocratie et l’autre la science.

Attaque contre la démocratie

D’après M. Rihoux, les élus au pouvoir se comporteraient en négationnistes en refusant d’entendre sa vérité.  Notons au passage que le terme choisi est extrêmement violent puisqu’il établit un lien symbolique entre les chambres à gaz et les gaz d’échappement des voitures. Ceci montre le niveau d’inquiétude de M. Rihoux dont les compétences médicales sont indiscutables. Les élus ne devraient-ils donc pas, toutes affaires cessantes, interdire le rallye ?
Les réactions des édiles peuvent sembler consternantes d’un point de vue scientifique. Mais gérer la cité ne se limite pas à entériner les vérités énoncées par des communautés, ni celle des rallymen, ni celle des médecins, et encore moins par un membre isolé de ces communautés. Cependant, le discours des professionnels de la santé bénéficie, et c’est heureux, d’une écoute particulière de la part des autorités. Il existe des institutions spécialisées chargées de forger des normes et de les faire respecter, y compris pour la qualité de l’air. Aussi, en Wallonie par exemple, l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AwAC) est chargée de cette mission. Ironie de l’histoire, le siège de l’AwAC se situe à… Jambes. Les autorités publiques doivent tenir compte de son avis. Si cet avis devait être entendu et qu’il l’a été, le collège communal est resté dans les balises de l’Etat de droit. Les droits des individus sont démocratiquement respectés.
Certains peuvent s’en émouvoir et affirmer qu’il faudrait plus de contraintes, surtout pour des questions sanitaires ou environnementales... Mais ceux-là doivent aussi considérer que des contraintes peuvent également être exigées par d’autres lobbies. La réponse classique attendue de l’Etat moderne devant ses demandes diverses est la neutralité. 
M. Rihoux s’inscrit dans une démarche partisane, sans aucun doute sincère, en la confortant par ses connaissances médicales. Et c’est ici que surgit le deuxième vice.

Attaque contre la science

En s’insurgeant contre le Rallye de Wallonie, M. Rihoux met en avant son statut de médecin, au moins par sa signature et, plus largement, en usant de sa très respectable notoriété. Or si ses propos sont aussi évidents qu’il l’affirme : pourquoi le rallye n’est-il pas immédiatement interdit par les autorités techniques compétentes ? Pourquoi les normes environnementales supervisées par l’AwAC ne correspondent-elles pas aux vœux de M. Rihoux ? Les scientifiques seraient-ils divisés ? Ou bien ne parviendraient-ils pas à se faire entendre dans leur propre sphère d’influence ?
En déballant sur la place publique des affirmations inquiétantes, comme la crainte d’une diminution de l’espérance de vie à l’échelle d’une ville et en faisant appel à l’avis de non-scientifiques, M. Rihoux jette le discrédit non seulement sur le politique mais, plus profondément, sur le monde scientifique. En saine démocratie, le discours scientifique dispose de ses forums, de ses lieux propres qui permettent de créer un consensus autorisé et, ensuite, d’offrir aux décideurs politiques des recommandations. Si les scientifiques ne parviennent pas à se contenir dans leur champ légitime et exposent leurs divergences, ils risquent d’ouvrir la porte à de peu scrupuleux discours qui se nourriront alors des dissensions.

La charge de M. Rihoux nous semble dangereuse pour ces deux raisons et le bourgmestre Prévot doit conserver son rôle de garant de l’Etat de droit. Mais M. Rihoux, fort intelligemment, n’interroge pas le bourgmestre mais bien le président de parti…
Un président de parti ne peut se retrancher derrière la neutralité… 



L'article de M. Rihoux, daté du 27 avril 2019: "Le Rallye de Wallonie et la planète"

 
Mon article daté du 3 mai 2019 "Le Rallye de Wallonie à Namur"




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