Le Rallye de Wallonie, la démocratie et la science
(Ce texte a été publié dans "L'Avenir" dans la rubrique "courrier des lecteurs" en réponse à un texte de M. Rihoux paru la semaine précédente - voir ci-dessous)
Dans son courrier des lecteurs du samedi 27 avril, M. J.-P.
Rihoux s’insurge, une fois de plus, contre l’organisation du Rallye de
Wallonie. Sa position est claire : l’organisation d’un rallye en zone
urbaine est une menace, à ses yeux scientifiquement prouvée, pour la santé des
citoyens. Cette manifestation doit donc
être interdite par le pouvoir communal en place. Or M. Rihoux, par ailleurs
médecin, a prévenu le conseil communal namurois qui n’a répondu à son appel que
par des remarques qu’il juge infondées.
Si son discours peut sembler à première vue
sympathique, citoyen et éclairé par la science, il comporte deux vices que nous
aimerions développer : l’un menace la démocratie et l’autre la science.
Attaque contre la démocratie
D’après M. Rihoux,
les élus au pouvoir se comporteraient en négationnistes en refusant d’entendre
sa vérité. Notons au passage que le
terme choisi est extrêmement violent puisqu’il établit un lien symbolique entre
les chambres à gaz et les gaz d’échappement des voitures. Ceci montre le niveau
d’inquiétude de M. Rihoux dont les compétences médicales sont indiscutables. Les
élus ne devraient-ils donc pas, toutes affaires cessantes, interdire le
rallye ?
Les réactions des
édiles peuvent sembler consternantes d’un point de vue scientifique. Mais gérer
la cité ne se limite pas à entériner les vérités énoncées par des communautés,
ni celle des rallymen, ni celle des médecins, et encore moins par un membre
isolé de ces communautés. Cependant, le discours des professionnels de la santé
bénéficie, et c’est heureux, d’une écoute particulière de la part des
autorités. Il existe des institutions spécialisées chargées de forger des
normes et de les faire respecter, y compris pour la qualité de l’air. Aussi, en
Wallonie par exemple, l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AwAC) est
chargée de cette mission. Ironie de l’histoire, le siège de l’AwAC se situe à…
Jambes. Les autorités publiques doivent tenir compte de son avis. Si cet avis
devait être entendu et qu’il l’a été, le collège communal est resté dans les
balises de l’Etat de droit. Les droits des individus sont démocratiquement
respectés.
Certains peuvent
s’en émouvoir et affirmer qu’il faudrait plus de contraintes, surtout pour des
questions sanitaires ou environnementales... Mais ceux-là doivent aussi
considérer que des contraintes peuvent également être exigées par d’autres
lobbies. La réponse classique attendue de l’Etat moderne devant ses demandes
diverses est la neutralité.
M. Rihoux s’inscrit
dans une démarche partisane, sans aucun doute sincère, en la confortant par ses
connaissances médicales. Et c’est ici que surgit le deuxième vice.
Attaque contre la science
En s’insurgeant contre
le Rallye de Wallonie, M. Rihoux met en avant son statut de médecin, au moins
par sa signature et, plus largement, en usant de sa très respectable notoriété.
Or si ses propos sont aussi évidents qu’il l’affirme : pourquoi le rallye
n’est-il pas immédiatement interdit par les autorités techniques compétentes ?
Pourquoi les normes environnementales supervisées par l’AwAC ne
correspondent-elles pas aux vœux de M. Rihoux ? Les scientifiques seraient-ils
divisés ? Ou bien ne parviendraient-ils pas à se faire entendre dans leur
propre sphère d’influence ?
En déballant sur la place
publique des affirmations inquiétantes, comme la crainte d’une diminution de
l’espérance de vie à l’échelle d’une ville et en faisant appel à l’avis de
non-scientifiques, M. Rihoux jette le discrédit non seulement sur le politique
mais, plus profondément, sur le monde scientifique. En saine démocratie, le
discours scientifique dispose de ses forums, de ses lieux propres qui
permettent de créer un consensus autorisé et, ensuite, d’offrir aux décideurs
politiques des recommandations. Si les scientifiques ne parviennent pas à se
contenir dans leur champ légitime et exposent leurs divergences, ils risquent
d’ouvrir la porte à de peu scrupuleux discours qui se nourriront alors des
dissensions.
La charge de M.
Rihoux nous semble dangereuse pour ces deux raisons et le bourgmestre Prévot
doit conserver son rôle de garant de l’Etat de droit. Mais M. Rihoux, fort
intelligemment, n’interroge pas le bourgmestre mais bien le président de parti…
Un président de
parti ne peut se retrancher derrière la neutralité…
L'article de M. Rihoux, daté du 27 avril 2019: "Le Rallye de Wallonie et la planète" |
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