mercredi 27 juillet 2022

Le prisonnier affiche-t-il au mur la photo de sa propre cellule ?

Le prisonnier affiche-t-il au mur la photo de sa propre cellule ?

La photo du tout jeune univers, prise par le télescope James Webb, est impressionnante, certes. Elle est le fruit mûr de notre science et de notre technologie. Il est normal, dans une société moderne, de saluer l'accomplissement de cette prouesse. Elle est instantanément devenue l’icône de notre vision actuelle d'une vérité. Je suis moi-même admiratif de la science, avec une sympathie particulière pour l’astronomie. Le ciel me fascine depuis toujours. 



La photo du trou noir, dévoilée voici quelques années, avait un coté magique. Mais cette photo, elle, ne me transcende pas. Le fond de l’univers présenté de cette façon ne m’inspire pas car, fondamentalement, il ne m’évoque qu’une chose: une cellule.

Certes, une grande cellule. Mais peu importe ce sont les parois fermées qui définissent la prison, pas sa dimension. La conquête spatiale, l’homme sur la lune, la station spatiale, voilà des barrières autrefois réputées infranchissables qui ont été dépassées joyeusement, grâce à l’intelligence de l’homme et à son habilité technique. Cette science nous poussait en avant vers un espace plus grand pour l’humanité, vers de nouvelles aventures.

Mais ici, la photo nous montre principalement la paroi de la cage. Il n’est rationnellement pas permis de réfléchir au-delà. Derrière ce noir profond qui étouffe les images lumineuses des galaxies, il n’y a rien que l’on puisse penser, en restant dans le champ scientifique. C’est le bout du bout. Le cliché n’est pas celui qui envisage un possible pas en avant. Il symbolise au contraire la finitude de l’astronomie, son assèchement en un sens. Évidemment il y aura encore bien des découvertes et d’autres images époustouflantes, ce n’est pas la question, mais derrière ce fond noir, il n’y a rien, pas même d’espace et de temps. N’importe quelle photo de mur, de barrière, de clôture, de paroi indique qu’il y a un au-delà. La barrière présuppose, par définition, un monde extérieur.

Sur cette photo, le fond noir ne distingue pas l’intérieur de l’extérieur, mais le tout du rien. Il ne me donne qu’une envie: regarder le rien, ce qui est justement interdit par la science actuelle et donc, forcément, par la technologie de ce télescope. En soi, ce n’est pas neuf puisque la science moderne ne prend pas en charge la métaphysique. Cependant c’est, à ma connaissance, la première fois qu’elle nous le montre aussi précisément en photo, ce qui rend cette dernière si cruelle à mes yeux. Peut-être le prisonnier peut-il afficher sur son mur l’illustration d’un mur, mais peut-il apposer une photo de sa propre cellule ? 

Voilà pourquoi j'ai inversé, comme dans un miroir, la photo originelle, la rendant inconcevable. Ce cliché impossible montre comment un télescope placé à 27 milliards d'années lumière verrait ces galaxies. 

François-Xavier HEYNEN - Juillet 2022



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